Question passionnante posée par Bernard Delvaux, de l’université catholique de Louvain, dans une communication intitulée “Cross-worlds scenes, where knowledge and policy are merging“, présentée en juin 2010 à la 5e édition de la conférence Interpretive Policy Analysis.

Je n’ai pas assisté à cette conférence, mais j’ai participé fin septembre 2011 à la Summer School organisée par le consortium Know & Pol à Bruxelles.
Et à ce titre j’ai eu la responsabilité de discuter l’étude de B. Delvaux, réalisée dans le cadre du projet européen Knowledge and policy (6e PCRD, 2006-2011).

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Un projet qui a  rassemblé pendant 5 ans donc des chercheurs issus de 8 pays européens pour analyser les relations entre “knowledge” et “policy” dans les secteurs de l’éducation et de la santé mentale. Un énorme projet qui a mobilisé en France des chercheurs comme  Hélène Buisson-Fenet, Roger-François Gauthier, Margaux Le Gouvello, Nathalie Mons, Xavier Pons, Éric Verdier, sous la responsabilité d’Agnès van Zanten. Un projet qui se situe largement au delà des “bonnes pratiques éducatives” et qui a su appréhender l’action publique dans toute sa complexité, comme le montre le compte-rendu succinct que j’ai rédigé sur Éduveille…

Bref, j’ai donc essayé lors de cette Summer school, de jouer la discutante sur la notion de “cross-worlds scene” proposée par B. Delvaux. La consigne était de distinguer ce qui paraissait convaincant de ce qui l’était moins et d’identifier des points de discussion en m’appuyant sur mes propres travaux. A savoir l’expérimentation que nous conduisons actuellement avec la DGESCO pour élaborer un “instrument” visant à fournir au ministère de la connaissance utile à la décision politique.

Cette expérimentation s’appuie sur l’expertise que nous avons développée dans mon service en matière de revue de littérature et s’inspire des protocoles de type “evidence-based” déployés essentiellement dans les pays anglo-saxons. Le thème choisi comme prétexte pour construire cette méthodologie et formaliser le processus de reviewing est le leadership scolaire. L’idée d’inclure des savoirs autres qu’académiques s’est évidemment posée au comité de pilotage et rien n’a été définitivement tranché pour l’instant… Discuter le papier de B. Delvaux tombait donc à point, pour nous aider à progresser dans nos réflexions…

Ce que j’en ai retenu, donc au regard de mes propres interrogations :

  • la typologie des dispositifs de participation proposés, croisant un mode d’organisation (formalisé ou auto-organisé) et une catégorie d’acteurs (réservé à une élite ou ouvert à d’autres types d’acteurs)
  • l’idée clé selon laquelle un dispositif participatif ne relève pas seulement d’un phénomène de mode et qu’il est à la croisée de deux logiques :
    • une logique d’aide à la décision, qui serait une sorte d’objectif explicite
    • une logique de régulation, qui relèverait davantage de l’implicite

Autrement dit, les savoirs d’expérience joueraient un rôle clé dans la phase d’implémentation d’une réforme, quand des espaces politiques élargis permettent justement aux différents types de connaissances de se confronter, de se mélanger…

Si le savoir d’expérience s’avère moins “utile” dans la phase d’ingénierie d’une réforme, une des questions qui se pose alors est celle du rôle des ‘médiateurs”… qui tend à s’effacer derrière celui d’animateurs de débats par exemple… Autrement dit, y a-t-il un intérêt à transformer le savoir d’expérience en un savoir politiquement exploitable ? à traduire, synthétiser les anecdotes et récits pour décider des orientations d’une politique gouvernementale ?
à moins que, effectivement, ces mêmes anecdotes ne constituent un matériau empirique pour les chercheurs et ne soient analysées “scientifiquement” ? à moins donc qu’elles ne servent à nourrir la connaissance académique, qui serait seule légitime pour “informer” véritablement le travail des politiciens ?