temps-fréquence et ondelettes

 

John Cage, Concert for Piano and Orchestra (1957-58)

L'analogie avec la notation musicale est communément utilisée pour introduire l'idée de représentation temps-fréquence, chaque note d'un morceau étant en effet associée à une certaine localisation aussi bien temporelle (son instant d'occurrence et sa durée) que fréquentielle (sa hauteur). Tout en conservant cette vision qui associerait le plan temps-fréquence à une sorte de "portée" mathématique, l'analyse en ondelettes ajoute une contrainte supplémentaire dans la description en s'appuyant sur l'argument physique souvent raisonnable selon lequel une note, pour être percue comme telle, doit être tenue d'autant plus longtemps qu'elle est plus grave (comme disait N. Wiener dans I am a Mathematician, "A fast jig on the lowest register of an organ is in fact not so much bad music but no music at all."). Le plan temps-fréquence se trouve alors naturellement associé à une arborescence prenant racine aux basses fréquences.


La transformation de  et l'analyse spectrale, telle qu'elle a été développée en particulier par , sont des outils incontournables du traitement des signaux harmoniques et/ou stationnaires. Elles reposent cependant sur un concept de fréquence qui est exclusif de toute évolution temporelle, ne permettant pas de donner commodément sens à la notion pourtant intuitive de fréquence instantanée. Cette difficulté est liée de façon fondamentale au fait que les variables de temps et de fréquence sont "canoniquement conjuguées", et leurs représentations associées sujettes à des inégalités de type "incertitude". La reconnaisssance qualitative de ce fait est attachée au nom de  (1925) et à un contexte de mécanique quantique (avec les variables de position et impulsion en lieu et place de celles de temps et fréquence), la forme mathématique précise des inégalités classiques étant due à  (1927) et  dans le cadre de la théorie du signal (1946). Répondant par anticipation au souhait de  ("Je cherche en même temps l'éternel et l'éphémère"),  (1946) et  (1948) réconcilièrent temps et fréquence en proposant une définition de fréquence instantanée basée sur la notion de signal analytique, et donc sur l'utilisation de la transformation de . Cependant, cette approche trouve elle aussi ses limitations dès lors que les signaux analysés sont multi- composantes, une fonction monovaluée ne pouvant rendre compte de l'évolution simultanée de plusieurs trajectoires temps-fréquence. Dans ces situations, il est en fait nécessaire de recourir à une approche vraiment bidimensionnelle, qui soit à même d'offrir une représentation (une "image") d'un signal non stationnaire dans un plan temps-fréquence. Là encore, quoique des approches intuitives et ad hoc aient depuis longtemps été utilisées sur la base de transformations de  glissantes, c'est en mécanique quantique qu'apparut la première distribution vraiment conjointe. Elle fut proposée par  (1932) et redécouverte dans le contexte de la théorie du signal par  (1948). Bien qu'elle ne soit pas véritablement unique, la distribution de  jouit d'un grand nombre de propriétés théoriques remarquables et est au centre de la plupart des études qui ont été conduites sur le sujet depuis. Par construction, la distribution de  est quadratique, l'apparentant davantage à une "densité spectrale évolutive" qu'à une transformation de  dépendante du temps. Garder l'idée de linéarité est une autre voie conduisant à des variantes de l'analyse harmonique, au premier rang desquelles se tient l'analyse en ondelettes. Dans celle-ci, l'idée de fréquence est en fait remplacée par celle d'échelle, formalisant l'idée d'une description locale d'un signal à plusieurs niveaux de résolution. Tout comme pour la transformation de , la transformation en ondelettes consiste à projeter le signal analysé sur une famille de signaux analysants. Cette dernière est dans ce cas une famille à deux paramètres (le temps et l'échelle) , ses éléments étant tous déduits d'une forme d'onde unique
(l'ondelette-mère) par translations et dilatations. Si la première construction d'une base d'ondelettes remonte à  (1911), l'explosion de la théorie moderne (et de ses applications) date des  années 80, à la suite des travaux de J. Morlet, A. Grossmann, Y. Meyer, S. Mallat, I. Daubechies, etc.


quelques repères bibliographiques généraux


R. Carmona, H.L. Hwang, B. Torrésani, Practical Time-Frequency Analysis, Academic Press, 1998.
L. Cohen, Time-Frequency Analysis, Prentice-Hall, 1995.
I. Daubechies, Ten Lectures on Wavelets, SIAM, 1992.
P. Flandrin, Temps-Fréquence, Hermès, 1993-1998.
P. Flandrin, Time-Frequency/Time-Scale Analysis, Academic Press, 1999.
G.B. Folland, Harmonic Analysis in Phase Space, Princeton Univ. Press, 1989.
C. Gasquet, P. Witomski, Analyse de Fourier et Applications : Filtrage, Calcul Numériques et Ondelettes, Masson, 1990.
F. Hlawatsch, Time-Frequency Analysis and Synthesis of Linear Signal Spaces, Kluwer, 1998.
T.W. Körner, Fourier Analysis, Cambridge Univ. Press, 1988.
S. Mallat, A Wavelet Tour of Signal Processing, Academic Press, 1997.
Y. Meyer, Ondelettes et Opérateurs I., Hermann, 1990.
Y. Meyer, Ondelettes, Algorithmes et Applications, Armand Colin, 1992.


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