Deux nouveaux articles

La période est faste en parutions, avec deux nouveaux papiers « nucléaire » (en attendant un nouveau gros papier plus environnemental).

Le premier, paru en décembre dans L’Espace Géographique, propose une interprétation géolégale de la politique française de gestion des déchets radioactifs de faible activité. L’idée que je défends est que la centralisation actuelle de la gestion de ces déchets est appuyée sur des outils juridiques peu durables, pour des raisons matérielles (saturation des sites de stockage) et financière (envolée des coûts de traitement). Voir l’article ici.

Le second, paru aujourd’hui dans EspacesTemps.net propose une analyse des débats publics autour du démantèlement de SuperPhénix. Avec Yves Le Lay, nous reprenons les concepts de controverse/polémique/conflit pour analyser la fermeture et la déconstruction de SuperPhénix. L’article est librement disponible ici.

Nucléaire sans frontières et souverainetés nationales, EHESS Paris, 6 décembre 2013

Séminaire « Des communautés internationales et des risques. Science, justice et politique dans les crises contemporaines », séance du 6 décembre 2013

Romain Garcier (ENS Lyon, EVS), Recycler les déchets nucléaires de faible activité dans l’Union européenne: risques, circulations matérielles et création de la valeur

Francis Chateauraynaud (GSPR, EHESS) et Jean-Michel Fourniau (IFSTTAR – GSPR, EHESS) : Echelle atomique, échelles politiques. La filière nucléaire

Plus d’informations: 
http://www.ehess.fr/fr/enseignement/enseignements/2013/ue/587/

Proposition de post-doc: Anthropologie du recyclage des métaux stratégiques

Mots clés : déchets, risque, développement durable, environnement, recyclage, anthropologie, géographie, ethnographie

Equipe d’accueil : ENVIRONNEMENT VILLE ET SOCIETE (EVS) – Biogéophile – UMR 5600 CNRS

1. Contexte

L’Ecole normale supérieure de Lyon lance un partenariat de recherche avec un groupe industriel, dont l’objectif est de conduire des projets innovants de recherche fondamentale intéressant les deux partenaires. La question du recyclage des matériaux et des déchets industriels a été identifiée comme particulièrement porteuse et fait l’objet de la présente offre de post-doctorat.

Basé à l’ENS à Lyon, le post-doctorant sera accueilli dans le laboratoire interdisciplinaire ENVIRONNEMENT VILLE ET SOCIETE – UMR 5600 CNRS. Le laboratoire s’intéresse aux modalités par lesquelles les sociétés contemporaines, fortement urbanisées, constituent, instituent et utilisent leurs environnements. Il rassemble des géographes, des urbanistes, des historiens et des ingénieurs. Au sein du laboratoire, le post-doctorant trouvera un soutien méthodologique et thématique pour sa recherche dans l’axe thématique « ACtions, Régulations et ORganisations », qui aborde la question du recyclage des déchets, et auprès de la chaire « Espaces et Risques Technologiques Emergents ».

Les composantes du partenaire industriel impliquées dans le projet (direction « Innovation avancée et R&D », direction juridique) apporteront un soutien thématique à la recherche et le post-doctorant sera amené à travailler de manière étroite avec leurs représentants.

2. Descriptif du sujet

La demande pour certains types de métaux, utilisées notamment pour les nouvelles technologies est en augmentation constante, alors même que les ressources identifiées sont limitées, soit par des contraintes économiques (situation de quasi monopole, barrières d’exportation) soit par des contraintes techniques (rareté des gisements, difficultés/cout d’extraction…). Au niveau international comme au niveau français et européen, l’accès à ces métaux a été identifié comme un enjeu stratégique. Dans ce contexte, l’utilisation de sources secondaires comme le recyclage  devient un impératif industriel et économique. Le projet consiste à explorer les différentes phases, contextes et acteurs de la production, de la circulation et du recyclage éventuel d’une certaine catégorie de métaux.

Dans un premier temps, le travail consistera à établir identifier les acteurs de la production, collecte, traitement et recyclage de ces métaux en Europe. En particulier, avec le support méthodologique du partenaire industriel, le candidat dressera par un travail de terrain la cartographie des flux de produits/matière contenant ces métaux.

Dans un deuxième temps, ce travail visera à produire des connaissances nouvelles sur les paramètres organisationnels et culturels qui gouvernent la recyclabilité et le recyclage effectif des objets contenant ces métaux, éclairant leur « vie sociale » selon le mot d’Arjun Appadurai.

3. Profil du candidat

Doctorat en géographie, sciences de l’ingénieur, anthropologie, sciences politiques ou gestion, ou titre étranger équivalent. Une familiarité avec les questions de recyclage, de gestion des déchets, ou d’extraction de ressources secondaires serait la bienvenue.

Le/la candidat(e) possédera une solide expérience du travail de terrain et une connaissance des enjeux théoriques de l’anthropologie des sciences et/ou de la géographie de l’environnement. Il/elle collaborera aux publications de l’équipe de recherche.

Maîtrise du français et de l’anglais nécessaire. La résidence à Lyon est vivement souhaitée.

4. Conditions financières

L’employeur du candidat sera l’ENS de Lyon. La durée du contrat est de 1 an renouvelable 1 an. Le montant de la rémunération est de 2038 euros net par mois.

5. Modalités de candidature

Le dossier de candidature doit être envoyé, par courrier électronique uniquement, à Romain Garcier, <romain.garcier AT ens-lyon.fr>, avec copie à Barbara Vassener <barbara.vassener AT ens-lyon.fr>.

Il se compose:

  • d’un curriculum vitae détaillé
  • d’une lettre de motivation

Date limite de candidature : 1er juillet 2013.

Début du contrat : à négocier – à partir du 1er septembre 2013.

6. Contact – demandes d’information

Dr. Romain Garcier, chaire Espace et risques technologiques émergents, ENS de Lyon : romain.garcier AT ens-lyon.fr

Cette annonce en PDF: Proposition de post-doc ENS Lyon

L’espace insondable du doute : approche géographique des incertitudes environnementales

Séminaire du projet PEPS : « Les sciences, le doute instrumentalisé et l’ignorance produite », ENS Paris – PSL. 5 avril 2013

Malte Martin. "L'espace est un doute". Droits réservés

Malte Martin. « L’espace est un doute ». Droits réservés

Communication de R. Garcier: « L’espace insondable du doute : approche géographique des incertitudes environnementales »

Développée à partir de l’analyse d’un cas détaillé (la pollution de l’eau par l’industrie de l’acier dans l’Est de la France depuis les années 1850 et sa justification), cette intervention propose une réflexion sur la place des arguments « spatiaux » dans la création du doute scientifique ou technique. Elle veut montrer comment l’espace et la spatialité des phénomènes peuvent constituer de puissants opérateurs de doute, parce qu’ils introduisent une solution de continuité entre ce qui est démontré in vitro, dans l’espace clos du laboratoire, et la manière dont les phénomènes se déploieraient dans l’espace concret, réel – approchable, dans le meilleur des cas, par la modélisation. Cette instrumentalisation de l’espace est fréquente dans le domaine de « l’environnement » (pollution, santé environnementale) mais elle est probablement insuffisamment thématisée.

C’est pourquoi la communication avance l’idée qu’il existe quatre « modes de convocation » de l’espace par le doute. Par l’analyse ou l’approche de quelques controverses environnementales récentes (la gestion des déchets nucléaires – notamment par immersion, la controverse climatique, la question des dépôts radioactifs de Tchernobyl et de Fukushima), nous montrerons ces différents modes de convocation à l’œuvre et formulerons l’hypothèse que l’indécidabilité des arguments spatiaux les rend particulièrement efficaces (et donc populaires) en situation de controverse.

Mots clés : géographie ; pollution ; nucléaire ; espace.

Papier joint :

R.j Garcier. « The placing of matter: industrial water pollution and the construction of social order in nineteenth-century France”, Journal of Historical Geography, Volume 36, Issue 2, April 2010, pp. 132-142

Références :

Jacob Darwin Hamblin. Poison in the Well: Radioactive Waste in the Oceans at the Dawn of the Nuclear Age. Rutgers UP, 2009.

David Livingstone. Putting Science in Its Place: Geographies of Scientific Knowledge. University of Chicago Press, 2003.

Nigel Thrift. “Flies and Germs: A Geography of Knowledge”, pp. 366-403 In Derek Gregory et John Urry (dir.), Social Relations and Spatial Structures, Macmillan, 1985.

Benefits and Limitations of Nuclear Fission for a Low Carbon Economy, Bruxelles, 26-27 février 2013

C’est plein de curiosité que je pars assister à Brxuelles à un symposium organisé par la Commission Européenne (et Euratom). Ce n’est pas un colloque académique – mais un de ces objets un peu indistincts, à la frontière des politiques publiques, de l’opération de communication, et de l’évènement social. En préparation de cet évènement, j’avais été sollicité par Euratom pour répondre à un questionnaire sur le type de recherche que l’organisme devrait financer, principalement dans les sciences humaines et sociales. Mes réponses sont ici [Garcier v2]… ce qui est admirable, c’est que dans cet ultime document qu’Euratom m’a fait parvenir, ils ont enlevé une partie des questions… ce qui fait que mes réponses semblent parfois un peu à côté.

Lʼénergie nucléaire en société : enjeux politiques et éthiques – journées d’études 2012-2013

Journées dʼétudes organisées par Yannick Barthe, Pierre Charbonnier et Sandra Laugier, dans le cadre du programme NEEDS/CNRS, avec le soutien du LIER/Institut Marcel Mauss.

La gouvernance du risque, approches économiques et politiques
séance inaugurale, 20 novembre 2012
CNRS : 3, rue Michel Ange, Métro Michel Ange Auteuil
Salle KS1 Jaune, bâtiment K

14h : Dominique Finon (CNRS-CIRED)
Lʼéconomie du nucléaire revisitée : Leçons de lʼapprentissage dʼune technologie
complexe par des accidents majeurs.
Discutant : Romain Garcier (ENS Lyon)

16h : Hideaki Shiroyama (Université de Tokyo)
Regulatory failures of Nuclear Safety and Issues of New Regulatory Structure in Japan
Discutant : Olivier Borraz (CNRS-CSO)

Programme complet: NEEDS_20-11 final

Topo de rentrée

Bonjour à tous

C’est toujours très excitant de rencontrer une nouvelle promotion de géographes et toute l’équipe pédagogique, que vous avez furtivement aperçue lors de la réunion des admis, vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue et vous félicite pour votre beau succès. Vous le savez, nous le savons, le concours que vous avez réussi est extrêmement difficile et votre succès témoigne de votre talent, de votre ardeur au travail, des connaissances et des méthodes que vos professeurs de khâgne vous ont transmises et que vous avez acquises par vous-mêmes. Bravo !

D’une certaine manière, votre présence ici signe la fin d’un cycle et le commencement de quelque chose de nouveau. Comme tous les commencements, il éveille l’intérêt autant qu’il suscite des inquiétudes. Et dans ce petit discours (dont la qualité se mesurera aussi à la brièveté), je voudrais vous expliquer un peu la teneur de ce que nous vous proposons pour les années qui viennent et insister aussi sur la singularité de ce qui fait la personnalité des Ecoles normales supérieures, et de celle-ci en particulier. J’espère qu’il saura vous donner une vision claire, propre à apaiser certaines inquiétudes que vous pourriez nourrir. Mon but n’est pas de raisonner en termes de maquettes, et de programmes, et d’administration. Mais plutôt de vous présenter l’esprit dans lequel nous concevons la géographie, ici, spécifiquement à l’ENS, pour que vous ayez une conscience claire de ce que vous pourrez y trouver.

Dans le nom d’Ecole normale supérieure, il y a un mot bizarre, un peu incongru, un peu 18e siècle, qui vous a sûrement surpris. « Normale ». Qu’est-ce que « normale » peut bien vouloir dire ? Il y a plusieurs manières de répondre à cette question. La première, la moins créative, est de raisonner étymologiquement : « normale » est à rapprocher ici du mot contemporain de « normalisation » – homogénéisation, standardisation. Les Ecoles normales sont d’abord des institutions destinées à normaliser le savoir enseigné dans toutes les écoles – et à le normaliser par le haut ! Pas de plus petit dénominateur commun qui tienne : l’ambition des conventionnels quand ils ont créé la première école normale était de diffuser le tout meilleur savoir à l’ensemble du pays. L’enjeu était, dans un pays en plein bouleversement, de donner un modèle aux écoles en construction – à la fois sur le contenu du savoir et sur la manière de la transmettre. L’enjeu était de produire un savoir libéré du poids des traditions et des vieilles erreurs, appuyé sur une pédagogie novatrice. De fait, au cœur du dispositif se trouve l’enseignement : cette institution « normale », cette institution « modèle », ce n’est pas une académie, une société savante, un institut, c’est une Ecole. Et ce mot a toute son importance : à l’Ecole normale supérieure, tout le monde apprend tout le temps, vous, comme nous.

Alors bien sûr, le risque des modèles, c’est de devenir des décors de carton-pâte, suffisants, rigidifiés par leurs pratiques et leur certitude d’excellence. Rien de pire que ces modèles désignés, qui portent leur brevet d’excellence sur leur manche. J’ai personnellement horreur des gens qui débutent une conversation par un « je suis normalien » ou « je suis de l’ENS »  – c’est bien plutôt une manière très efficace d’éliminer la conversation, de céder au poids du modèle dans ce qu’il a de plus incapacitant, de plus improductif. Comment échapper à la sclérose des modèles ? Comment échapper à l’autosatisfaction qui guette toujours, à la facilité des effets de manche, aux effets d’annonce ?

La réponse que nous avons trouvée, et qui nous anime aujourd’hui, est de faire confiance à notre capacité collective, c’est-à-dire encore une fois, à vous et à nous, à produire des choses nouvelles. Le savoir « normal » n’est pas quelque chose de figé, c’est quelque chose qui est en évolution permanente. Le meilleur moyen de suivre cette évolution, c’est de la produire, d’y participer, de la susciter même. Nous avons cette ambition un peu folle de faire bouger les lignes, de faire émerger de nouvelles choses, de nouveaux savoirs. De participer à la définition de la « norme » elle-même, pas de manière rigide, ou prétentieuse. Mais de rentrer de plein pied dans les discussions qui participent à définir ce qui constitue le savoir aujourd’hui, la manière de l’enseigner, la manière de le faire circuler dans la société, et la manière de le créer.

Ce deuxième sens du mot « normal » introduit toute une série de conséquences. La première, la plus importante, tient à la nature des enseignements que vous suivrez à l’Ecole, et à l’esprit qui les structure. La singularité ABSOLUE des Ecoles normales supérieures dans le champ universitaire mondial, c’est que la pédagogie repose sur la recherche. Vous l’avez certainement beaucoup entendu, à l’ENS, on se forme POUR la recherche – et on vous a déjà probablement abondamment fait vos plans de carrière, qui sont surtout des suggestions. Mais il faut surtout ajouter que l’on se forme PAR la recherche scientifique : les ENS sont les seules institutions au monde qui mettent la recherche scientifique au cœur de l’apprentissage. Nous pensons que la recherche, c’est très formateur, quel que soit le métier auquel vous vous destinerez. Vous apprendrez des choses théoriques, des compétences techniques, des dispositions pratiques. Vous arriverez à poser vos propres questions, et peut-être, à être les premiers à les poser comme ça. Et vous pouvez compter sur nous pour vous aider à cela.

Ce système original repose sur deux piliers. Deux mots. Exigence, et convivialité. Nous sommes exigeants, comme vous l’avez été avec vous-mêmes. Exigeants parce que la recherche scientifique, la créativité, c’est légèrement plus difficile, plus exigeant, que de répéter sans fin les mêmes choses. La créativité, ça demande beaucoup de travail. Exigeants aussi parce que les conditions dont nous bénéficions pour travailler ici sont exceptionnelles, qu’elles ont un coût important pour la Nation. Nous avons donc collectivement le devoir de tirer le meilleur parti de ces conditions qui nous sont offertes.

Convivialité ensuite. On crée mieux dans un environnement amical, chaleureux, où la communication est facile. Nos portes vous sont toujours ouvertes. Vous pouvez nous solliciter pour toutes les questions que vous vous posez, pour toutes les initiatives que vous voudriez mener à bien, personnelles comme collectives. Nous sommes toujours ouverts à la discussion, à l’échange. C’est extrêmement important : sachez que deux écueils guettent les nouveaux élèves de l’Ecole. Le premier, c’est parfois l’inquiétude. L’époque est incertaine, et vous ne savez pas toujours quels choix faire, quelle carrière choisir. Nous sommes toujours ouverts à en discuter avec vous et vous aurez un tuteur qui sera votre interlocuteur privilégié. N’hésitez pas à le ou la solliciter, ou toute autre personne du corps enseignant.

Le deuxième écueil, c’est quelque chose de très courant dans les institutions prestigieuses, et qui s’appelle « le complexe de l’imposteur ». Le complexe de l’imposteur consiste à se dire, voire à se persuader, que l’on n’a pas sa place dans cette institution prestigieuse. Il n’y a rien de plus faux et de plus paralysant que ce complexe. Eliminez le. Si vous le sentez poindre, venez nous en parler.

J’ai déjà trop parlé…