Topo de rentrée

Bonjour à tous

C’est toujours très excitant de rencontrer une nouvelle promotion de géographes et toute l’équipe pédagogique, que vous avez furtivement aperçue lors de la réunion des admis, vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue et vous félicite pour votre beau succès. Vous le savez, nous le savons, le concours que vous avez réussi est extrêmement difficile et votre succès témoigne de votre talent, de votre ardeur au travail, des connaissances et des méthodes que vos professeurs de khâgne vous ont transmises et que vous avez acquises par vous-mêmes. Bravo !

D’une certaine manière, votre présence ici signe la fin d’un cycle et le commencement de quelque chose de nouveau. Comme tous les commencements, il éveille l’intérêt autant qu’il suscite des inquiétudes. Et dans ce petit discours (dont la qualité se mesurera aussi à la brièveté), je voudrais vous expliquer un peu la teneur de ce que nous vous proposons pour les années qui viennent et insister aussi sur la singularité de ce qui fait la personnalité des Ecoles normales supérieures, et de celle-ci en particulier. J’espère qu’il saura vous donner une vision claire, propre à apaiser certaines inquiétudes que vous pourriez nourrir. Mon but n’est pas de raisonner en termes de maquettes, et de programmes, et d’administration. Mais plutôt de vous présenter l’esprit dans lequel nous concevons la géographie, ici, spécifiquement à l’ENS, pour que vous ayez une conscience claire de ce que vous pourrez y trouver.

Dans le nom d’Ecole normale supérieure, il y a un mot bizarre, un peu incongru, un peu 18e siècle, qui vous a sûrement surpris. « Normale ». Qu’est-ce que « normale » peut bien vouloir dire ? Il y a plusieurs manières de répondre à cette question. La première, la moins créative, est de raisonner étymologiquement : « normale » est à rapprocher ici du mot contemporain de « normalisation » – homogénéisation, standardisation. Les Ecoles normales sont d’abord des institutions destinées à normaliser le savoir enseigné dans toutes les écoles – et à le normaliser par le haut ! Pas de plus petit dénominateur commun qui tienne : l’ambition des conventionnels quand ils ont créé la première école normale était de diffuser le tout meilleur savoir à l’ensemble du pays. L’enjeu était, dans un pays en plein bouleversement, de donner un modèle aux écoles en construction – à la fois sur le contenu du savoir et sur la manière de la transmettre. L’enjeu était de produire un savoir libéré du poids des traditions et des vieilles erreurs, appuyé sur une pédagogie novatrice. De fait, au cœur du dispositif se trouve l’enseignement : cette institution « normale », cette institution « modèle », ce n’est pas une académie, une société savante, un institut, c’est une Ecole. Et ce mot a toute son importance : à l’Ecole normale supérieure, tout le monde apprend tout le temps, vous, comme nous.

Alors bien sûr, le risque des modèles, c’est de devenir des décors de carton-pâte, suffisants, rigidifiés par leurs pratiques et leur certitude d’excellence. Rien de pire que ces modèles désignés, qui portent leur brevet d’excellence sur leur manche. J’ai personnellement horreur des gens qui débutent une conversation par un « je suis normalien » ou « je suis de l’ENS »  – c’est bien plutôt une manière très efficace d’éliminer la conversation, de céder au poids du modèle dans ce qu’il a de plus incapacitant, de plus improductif. Comment échapper à la sclérose des modèles ? Comment échapper à l’autosatisfaction qui guette toujours, à la facilité des effets de manche, aux effets d’annonce ?

La réponse que nous avons trouvée, et qui nous anime aujourd’hui, est de faire confiance à notre capacité collective, c’est-à-dire encore une fois, à vous et à nous, à produire des choses nouvelles. Le savoir « normal » n’est pas quelque chose de figé, c’est quelque chose qui est en évolution permanente. Le meilleur moyen de suivre cette évolution, c’est de la produire, d’y participer, de la susciter même. Nous avons cette ambition un peu folle de faire bouger les lignes, de faire émerger de nouvelles choses, de nouveaux savoirs. De participer à la définition de la « norme » elle-même, pas de manière rigide, ou prétentieuse. Mais de rentrer de plein pied dans les discussions qui participent à définir ce qui constitue le savoir aujourd’hui, la manière de l’enseigner, la manière de le faire circuler dans la société, et la manière de le créer.

Ce deuxième sens du mot « normal » introduit toute une série de conséquences. La première, la plus importante, tient à la nature des enseignements que vous suivrez à l’Ecole, et à l’esprit qui les structure. La singularité ABSOLUE des Ecoles normales supérieures dans le champ universitaire mondial, c’est que la pédagogie repose sur la recherche. Vous l’avez certainement beaucoup entendu, à l’ENS, on se forme POUR la recherche – et on vous a déjà probablement abondamment fait vos plans de carrière, qui sont surtout des suggestions. Mais il faut surtout ajouter que l’on se forme PAR la recherche scientifique : les ENS sont les seules institutions au monde qui mettent la recherche scientifique au cœur de l’apprentissage. Nous pensons que la recherche, c’est très formateur, quel que soit le métier auquel vous vous destinerez. Vous apprendrez des choses théoriques, des compétences techniques, des dispositions pratiques. Vous arriverez à poser vos propres questions, et peut-être, à être les premiers à les poser comme ça. Et vous pouvez compter sur nous pour vous aider à cela.

Ce système original repose sur deux piliers. Deux mots. Exigence, et convivialité. Nous sommes exigeants, comme vous l’avez été avec vous-mêmes. Exigeants parce que la recherche scientifique, la créativité, c’est légèrement plus difficile, plus exigeant, que de répéter sans fin les mêmes choses. La créativité, ça demande beaucoup de travail. Exigeants aussi parce que les conditions dont nous bénéficions pour travailler ici sont exceptionnelles, qu’elles ont un coût important pour la Nation. Nous avons donc collectivement le devoir de tirer le meilleur parti de ces conditions qui nous sont offertes.

Convivialité ensuite. On crée mieux dans un environnement amical, chaleureux, où la communication est facile. Nos portes vous sont toujours ouvertes. Vous pouvez nous solliciter pour toutes les questions que vous vous posez, pour toutes les initiatives que vous voudriez mener à bien, personnelles comme collectives. Nous sommes toujours ouverts à la discussion, à l’échange. C’est extrêmement important : sachez que deux écueils guettent les nouveaux élèves de l’Ecole. Le premier, c’est parfois l’inquiétude. L’époque est incertaine, et vous ne savez pas toujours quels choix faire, quelle carrière choisir. Nous sommes toujours ouverts à en discuter avec vous et vous aurez un tuteur qui sera votre interlocuteur privilégié. N’hésitez pas à le ou la solliciter, ou toute autre personne du corps enseignant.

Le deuxième écueil, c’est quelque chose de très courant dans les institutions prestigieuses, et qui s’appelle « le complexe de l’imposteur ». Le complexe de l’imposteur consiste à se dire, voire à se persuader, que l’on n’a pas sa place dans cette institution prestigieuse. Il n’y a rien de plus faux et de plus paralysant que ce complexe. Eliminez le. Si vous le sentez poindre, venez nous en parler.

J’ai déjà trop parlé…

« Les chantiers du nucléaire » – colloque international, 27-29 juin 2012

La Chaire ERTEM participe à l’organisation et au financement du colloque « Les chantiers du nucléaire », qui se tiendra du 27 au 29 juin 2012 à l’Ecole normale supérieure de Lyon / Institut Français de l’Education. Le colloque porte sur la place des sciences humaines et sociales dans la recherche sur le nucléaire.

Plus d’informations sur le site du colloque: http://nucleaire-shs.sciencesconf.org