Le Fripon, un géographe ?

Si le Fripon a une apparence inoffensive – il a été rapproché du bouffon ou du clown –, ce personnage rusé, farceur et moqueur remet en cause l’ordre établi. Insaisissable, effrontée et ambiguë, cette figure mythique peut évoquer la géographie par la position de médiatrice qu’elle tient à l’égard d’institutions qui l’ignorent, l’excluent ou la précèdent et son intérêt pour ce qu’elles délaissent. G. Pellé (2014) pose ainsi la question suivante : « le regard géographique se définirait-il par tout ce qu’il n’est pas ? Dans la marge des approches des autres disciplines ? » (p. 2). Continuer la lecture

Pour une cinquième dimension du système fluvial

Les mots portent un noyau sémiotique dont leurs usagers ne peuvent se défaire. Impossible de s’en débarrasser. Les tentatives pour infléchir cette signification (partagée et durable) restent vouées à l’échec ou procèdent de la tyrannie. Ainsi en va-t-il de la restauration. Rien n’y fait, le radical est précédé du préfixe re-. Les programme de restauration réparent un environnement dégradé, recherchent un paradis perdu, renouent avec les plaisirs de la nature originelle. La restauration est motivée par un écart différentiel déprécié entre un milieu actuellement observé et un milieu de référence historique ou distant de plus grande valeur. Affirmer cette référence disparue, c’est dénoncer les travaux des sociétés humaines, mettre en doute les progrès de l’humanité et révéler un penchant réactionnaire. Aussi est-il tentant d’utiliser d’autres mots. Chassez ce naturel que je ne saurais voir ! Mais il revient au galop. Restauration, réhabilitation, revitalisation, renaturation, requalification. Toujours et encore ce préfixe ! S’agit-il bien de revenir en arrière ? Continuer la lecture

L’usage du monde : habiter le Nevado de Toluca (Mexique)

Le Nevado de Toluca est un stratovolcan inactif localisé à 80 km au sud-ouest de Mexico. Culminant à 4680 mètres, il appartient au système volcanique transversal du Mexique. Un parc national protégeait espace et espèces ; son statut a évolué en 2013 vers une aire de protection de la faune et de la flore. Comme de nombreux espaces protégés dans les pays du Sud, le Nevado de Toluca est habité : son périmètre concerne environ 70 ejidos dont les habitants continuent de valoriser et d’ « user » les ressources. Par définition, l’usage est tout à la fois partagé, concret, localisé et durable. A quels usages cette haute terre donne-t-elle lieu ? Comment concilier les enjeux de développement et de protection ? Continuer la lecture

Lyon, capitale des brouillards ?

Lyon a longtemps subi la réputation d’une cité « embrumée ». Porteur d’esthétique ou d’angoisse – selon le tempérament de l’observateur -, le brouillard marquait les paysages comme les esprits. Depuis, il semble s’être évanoui. Dès 1955, le médecin et romancier Jean Reverzy a posé la question : « Mais où sont passées les brumes d’antan ? » Continuer la lecture

Des rivières de pierre : la statuaire fluviale à Lyon

Le discours et le cours d’eau font bon ménage. Il n’est pas très compliqué de rendre compte de l’eau courante avec des mots. La rivière et la parole ont tout deux leurs étiages et leurs débordements, leurs ralentissements et leurs accélérations, leurs sources et leurs embouchures. L’image animée parvient également à rendre la dynamique de l’eau, ses mouvements, voire la sonorité de son écoulement. Comment la statuaire s’y prend-elle lorsqu’il s’agit de représenter le fleuve ? Continuer la lecture

Pourquoi les Lyonnaises ont-elles des pieds « larges et plats » ? La faute aux têtes de chat…

Le pavage lyonnais a longtemps présenté une originalité. Il recourait aux galets roulés de quartzite ; la plupart provenait des alluvions fluviatiles villafranchiennes (fin du Pliocène), notamment celles situées sur les plateaux de Fourvière, de Sainte-Foy et de La Duchère (David, 1976 ; Mongereau, 2010). Nombre de géologues y ont vu un héritage du diluvium alpin. Marcheurs et cyclistes s’en accommodent difficilement. Continuer la lecture

Lyon, cité d’or ?

La pierre de Couzon, dite aussi « pierre dorée » dans le Beaujolais, est un calcaire à entroques dont la couleur « d’un beau jaune nankin plus ou moins foncé » (Mazenot, 1936) a donné son nom au petit massif du Mont-d’Or, à la Croix-Rousse et plus récemment au pays des pierres dorées. On y trouve en effet des villages entièrement construits avec ce matériau. Sa teinte chaude confère au bâti une ambiance permanente d’embellie crépusculaire. A Lyon, l’emploi de la pierre jaune est resté plus limité que celui de la pierre de Saint-Fortunat. Généralisé à partir de la fin du XVe, il s’est poursuivi jusqu’au XXe siècle. Même s’il a souvent disparu derrière un crépissage, ce calcaire jaune est donc bien présent dans les quartiers centraux de Lyon. Continuer la lecture

Lyon, ville de choin

Lyon a du choin… D’ailleurs comment l’imaginer sans ? La physionomie des quartiers centraux de l’agglomération lyonnaise doit en effet beaucoup à ce calcaire dur, dont les bancs étaient exploités dans le Haut-Rhône, à proximité du fleuve, et fournissaient des blocs de toute dimension. Des bateaux transportaient facilement la pierre à Lyon et en aval. Si les Romains la connaissaient et l’utilisaient déjà, ce matériau de qualité réapparaît aux XVIIIe siècle et devient la pierre de construction lyonnaise par excellence pendant deux siècles. Malgré quelques caractéristiques visuelles inégalement appréciées, « ses qualités ont permis l’édification de beaux et solides travaux d’art, monuments et immeubles qui sont l’ornement de la ville » (Mazenot, 1936). Continuer la lecture

Des huîtres dans les murs : la pierre de Saint-Fortunat

De nombreux bâtiments du centre-ville lyonnais hébergent un hôte quelque peu inattendu. Le passant peut repérer sans peine, dans la pierre des façades, un mollusque fossile reconnaissable à une valve en forme de griffe ou de crochet. Comme la plupart des roches utilisées traditionnellement dans la construction, celle-ci a été extraite dans des carrières qu’animaient des ouvriers à proximité de l’agglomération.

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Les hauts et les bas du Rhône

Dans l’imaginaire collectif, un fleuve, c’est d’abord de l’eau courante. Non un maigre filet, mais bien une eau abondante et vivante. Qu’elle se jette dans une mer ou un océan importe peu. Pour filer la métaphore biologisante, elle irrigue la ville comme les artères animent le corps humain. Alors qu’advient-il lorsque l’eau manque ? La vie elle-même s’évanouit-elle ? Continuer la lecture