L’organisation territoriale de La Poste

 


Par Amélie Deschamps

L’organisation territoriale de La Poste en zone rurale

 

La Poste a construit son réseau dans un contexte où l’égalisation des territoires (Estèbe, 2015) était un objectif primordial des politiques publiques. De grands monopoles de service public (comme la SNCF, les télécoms, La Poste, …) ont ainsi été créés pour assurer la continuité des prestations partout sur le territoire français. La Poste doit ainsi remplir une mission de service universel postal. Or même si elle est depuis 2010 une société anonyme (à capitaux publics), ses missions n’ont pas changé.  C’est pour cela que c’est la loi qui définit les conditions d’accessibilité des points de contact (loi du 20 mai 2005) et le nombre minimal qui doit être maintenu, soit 17 000 (loi du 9 février 2010).

Cependant La Poste doit faire face à des baisses de fréquentation de ses bureaux (surtout en milieu rural) qu’elle doit pourtant maintenir sur le territoire : le coût de ces services est important, ce qui pousse aujourd’hui La Poste a développé des stratégies de partenariat avec les mairies ou avec des commerçants (au sujet des nouvelles formes de la présence postale et des conflits qui y sont liés, voir l’article d’I. Vladimirov).

Il s’agira ici d’étudier une autre stratégie de réduction des coûts de fonctionnement qui passe par la réforme des échelons de gestion de La Poste et par une pratique de plus en plus répandue de la mutualisation.

Cet article s’appuie sur six entretiens menés auprès d’acteurs de La Poste qui interviennent à des échelons différents (organisation syndicale, guichetier en agence ou en bureau, directeur d’établissement, délégués départementaux et régionaux). Ils ont été effectués au cours d’un stage de terrain en Auvergne en octobre 2015.

1. Un maillage territorial de plus en plus lâche

Pour faire face à ces changements, l’organisation territoriale de La Poste a été modifiée. En effet, les petits bureaux avaient avant un guichetier attitré, le receveur, qui s’occupait de toutes les tâches du bureau. A partir des années 2000, les bureaux de poste, mais aussi les agences postales communales et les relais poste ont été regroupés en TERRAINS (TERRitoire d’Attractivité et d’Initiative). Cette nouvelle organisation permet de rationaliser les ressources humaines en faisant tourner les guichetiers sur plusieurs bureaux. En effet, ce nouveau mode de gestion permet de faire venir des agents supplémentaires dans les grands bureaux lorsque la fréquentation est plus importante ou en remplacement d’agents absents. Cela a aussi permis une mutualisation de certains services comme le conseil financier : un conseiller financier est désormais affecté à plusieurs bureaux à la fois.

Cependant, cette rationalisation des ressources humaines a aussi des conséquences négatives sur les petits bureaux : lorsque l’agent qui y est affecté doit aller remplacer un de ses collègues dans un autre bureau, cela cause souvent la fermeture du bureau, sans préavis, selon la CGT étant donné qu’il s’agit la plupart du temps de « bureaux agent seul » et qu’il n’y a donc plus personne pour assurer l’ouverture. Cette fermeture récurrente des petits bureaux tend à les fragiliser en termes de fréquentation.

Enfin, au 1er janvier 2016 l’organisation de La Poste change de nouveau. En effet, la nouvelle stratégie de développement de La Poste passe par une mise en avant de ses services bancaires d’après le délégué régional. Afin de favoriser celle-ci, les terrains sont regroupés en « secteurs » (figure 1). Les mailles de gestion des bureaux seront ainsi plus étendues. Le nombre de terrains en Auvergne (70) va être divisé par deux.

Cette stratégie s’appuie en fait sur une observation de l’organisation des autres agences bancaires qui existent en France : il s’agit pour La Poste de reproduire leur maillage, plus lâche, afin de devenir plus efficace mais aussi plus rentable. Il s’agit aussi de désigner de nouveau directeur de secteur qui s’occuperont uniquement de l’activité bancaire.

Cette nouvelle organisation n’a, pour le moment, aucun incident sur les agents (leur nombre ou leur poste) selon la déléguée départementale. Mais à terme, on peut s’interroger sur les nouvelles mobilités que cela pourra engendrer sur les agents s’ils doivent aller remplacer un collègue dans un autre bureau de leur secteur, qui sera de fait plus éloigné que dans le cadre des terrains.

Figure 1 : Des TERRitoires d’Attractivité et d’Initiative (TERRAINS) aux Secteurs.

2. La disparition de l’échelon départemental

De plus, ce qui s’observe à l’échelle locale est un mouvement qui se retrouve aussi à une échelle plus petite. Ainsi les directions départementales ont été supprimées au 1er janvier 2008 pour être remplacées par des délégations régionales afin de réduire les coûts de fonctionnement du groupe.

Mais afin de maintenir le dialogue avec les représentants de l’État ou les élus au niveau départemental (le préfet, le conseil départemental), il a été créé des délégués départementaux qui se chargent de la coordination de l’action des métiers de La Poste dans le département ainsi que des délégués aux relations territoriales pour chaque département qui eux s’occupent concrètement du dialogue avec les élus. Il semblerait que les délégués départementaux aient vocation à disparaître en 2016 selon le délégué aux relations territoriales pour la Haute-Loire.

A partir du 1er janvier 2016, c’est l’organisation de la direction régionale qui va être bouleversée du fait de la réforme des régions. Il n’y aura désormais plus qu’une direction dans la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes et elle se trouvera à Lyon. Mais dans un premier temps, Clermont-Ferrand va garder un délégué régional.

La suppression d’échelon de direction est un des moyens de La Poste pour réduire ses coûts de fonctionnement, même si le maintien d’un délégué aux relations territoriales marque tout de même l’importance de cet échelon pour le bon fonctionnement du groupe.

3. Vers une diversification du réseau postal

Le maintien forcé du réseau incite La Poste à tenter de transformer celui-ci afin de lui rendre une certaine rentabilité. Comme le rappelle le délégué régional, « l’usage du service postal pour lequel on a construit le réseau est mort. Mais le réseau on l’a toujours. Donc la question c’est la mutation du service pour que le réseau continue à avoir un sens ». Cette mutation du service se traduit notamment par la diversification des activités de La Poste et de ses agents. Ainsi l’État et La Poste ont signé un partenariat visant à accélérer le développement des Maisons de Service Au Public (MSAP) en 2015 : 500 bureaux de poste pourront être transformés en MSAP. Les MSAP ont pour vocation de regrouper dans un lieu unique une gamme élargie de services (Pôle Emploi, les caisses d’assurance maladie, de retraite, d’allocations familiales, GrDF…). La mutualisation du local permet ainsi de réduire les coûts d’installation et de fonctionnement. La Poste s’est ainsi proposée pour héberger près de de 1 000 MSAP dans ses locaux, au niveau national, d’ici 2017. Dans le Puy-de-Dôme (figure 3), une trentaine de projets sont déjà à l’étude et une dizaine pour la Haute-Loire.

Figure 2 : Les propositions de Maisons de Service Au Public de La Poste en Puy-de-Dôme.

Ce plan de partenariat s’inscrit autour de trois priorités définies par le comité interministériel du 13 mars 2015 sur les ruralités : « garantir à tous l’égalité d’accès aux services, amplifier les capacités de développement des territoires ruraux et assurer la mise en réseau des territoires ». Or si les MSAP hébergées par La Poste ont bien vocation à faire évoluer le réseau postal afin de rendre possible son maintien en zone rurale, le projet de La Poste n’est pas de rééquilibrer la répartition des services publics sur le territoire.

Les MSAP ne seront pas installées de manière équilibrée sur le territoire, « ce n’est pas n’importe quel bureau […], c’est déjà des bureaux qui ont une activité suffisante » (délégué aux relations territoriales pour la Haute-Loire) qui ont vocation à devenir des MSAP. « Les maisons de services au public, on va plutôt les mettre dans les anciens chefs-lieux de canton » explique le délégué régional.

Conclusion

La question de la rentabilité des services publics en milieu rural pose de plus en plus de problèmes. Historiquement fondés sur une logique de redistribution financière (ESTEBE, 2015), les services en milieu rural sont aujourd’hui mis en danger par le contexte économique difficile. C’est pourquoi de grandes entreprises investies de missions de service public comme La Poste doivent désormais revoir leur organisation territoriale afin de faire cohabiter des objectifs parfois contradictoires. Dans la stratégie actuelle de La Poste, il s’agit d’agrandir la taille des mailles de gestion afin de réduire les coûts d’échelle mais aussi de revoir l’usage qui est fait de son réseau afin de lui trouver une nouvelle dynamique.

 

Bibliographie

ESTEBE Philippe, 2015, L’égalité des territoires. Une passion française. PUF, coll. La ville en débats, 2015, 88 p.

Webographie

http://www.gouvernement.fr/argumentaire/maisons-de-services-au-public-2455

Site du Gouvernement, page de présentation des Maisons de Services au Public [site institutionnel]. Mis en ligne le 25 juin 2015, consulté le 11 décembre 2015.

http://www.gouvernement.fr/les-ruralites-avec-toute-la-diversite-des-paysages-des-metiers-des-traditions-sont-autant-de-chances

Site du Gouvernement, page de compte-rendu du comité interministériel sur les ruralités [site instiutionnel]. Mis en ligne le 13 mars 2015, consulté le 11 décembre 2015.

 

http://legroupe.laposte.fr/

Site du Groupe La Poste [site institutionnel], présentation chiffrée de l’entreprise, de ses missions, de ses actualités. Consulté le 7 janvier 2016.

http://collectivites.laposte.fr/

Site du Groupe La Poste dédié aux Collectivités [site institutionnel]. Présentation des délégations régionales et départementales, des relations de La Poste avec les élus locaux, actualités de La Poste dans les régions. Consulté le 7 janvier 2016.

Textes législatifs

LOI n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Consultable en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2005/5/20/ECOX0300058L/jo/texte

(dernière consultation le 29 décembre 2015).

LOI n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales. Consultable en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2010/2/9/ECEX0913475L/jo/texte

(dernière consultation le 29 décembre 2015).

Littérature grise

Contrat d’entreprise, 2013-2017, entre l’État et La Poste. Contrat relatif aux missions de service public confiées au groupe La Poste. Signé le 1er juillet 2013. 28 p. Consultable en ligne :

http://legroupe.laposte.fr/profil/les-missions-de-service-public/le-contrat-de-service-public

(dernière consultation le 29 décembre 2015).

La Poste, 2014, Bilan annuel relatif à la présence postale. Département du Puy-de-Dôme.

32 p.

La Poste, avril 2015, Bureaux susceptibles d’accueillir les Maisons de Services au Public, [carte], Puy-de-Dôme, 1 p.

La Poste, juin 2015, Les nouveaux « secteurs » pour le Puy-de-Dôme, [carte], 1 p.