10 albums pour découvrir le jazz aujourd’hui

  • The Bad Plus Joshua Redman

Quand Joshua Redman, l’un des saxophonistes les plus en vue de la scène jazz mondiale, s’associe à The Bad Plus, power trio new-yorkais passé maître dans la reprise iconoclaste de standards rock, cela donne un album soyeux et furieux dans lequel des tambours déchaînés s’accouplent à des lacis de gammes égosillées avant de se fondre soudain en des thèmes parfaitement accessibles, presque pop. Une architecture fusionnelle imprévisible, risquée, mais souvent exaltante.

 

  • Kamasi Washington, The Epic

Qui aujourd’hui serait assez fou pour sortir un triple-album contenant trois heures de musique interprétée par près de quarante musiciens et choristes ? Prince écarté, il reste Kamasi Washington, saxophoniste aux aspirations de Tamerlan et au lyrisme digne d’un Pharoah Sanders. Constamment jouissive, son odyssée afro-symphoniste, le bien nomméThe Epic, balaye avec une aisance prodigieuse les genres jazz, funk, gospel, latin et même classique, pour s’imposer comme l’une des réalisations les plus sidérantes de l’année.

 

  • Marius Neset, Pinball

Sa gueule d’ange et ses manières de play-boy ne font rien à l’affaire : on oublie vite le charme scandinave de Marius Neset dès lors que retentit sa musique ardente, légèrement braque, et qui rebondit sans cesse dans de nouvelles directions à la manière d’une balle affolée. Moderne, Neset l’est naturellement, comme par un don venu s’ajouter à une technique déjà stupéfiante. En témoigne ce Pinball passionnant où, signe d’une maturité déjà atteinte, la joie de jouer l’emporte sur toute autre considération.

 

  • Véronique Hermann Sambin, Basalte

Véronique Hermann Sambin n’est pas une vocaliste standardisée de plus déroulant un velours luxueux mais sans surprise. Interprète directe et profonde, sa volonté de dire, de raconter, l’a poussée à composer elle-même un jazz caribéen aux vacillements très touchants (Ròz Jériko 5 ans) et aux entraînements doux teintés de séduction souriante (le délicieux Basalte). Ainsi enchantés, ses poèmes en créole distillent un envoûtement irrésistible.

 

  • Kapsa, Reininger & Fleau, La Ligne de Kármán

La ligne de Kármán, une note de pochette nos apprend qu’elle “définit la frontière entre l’atmosphère terrestre et l’espace”. En suivant ce rayon d’invisibilité où la première vibration sonore coupe le silence infini Jean Kapsa (piano), Antoine Reininger (contrebasse) et Maxime Fleau (batterie) sont parvenus à ne former qu’une seule unité agissant d’un même mouvement. Impossible à segmenter, leur musique, gracieuse comme un lointain envol, se déroule à la manière d’une large fresque tendue dans les airs d’un hémisphère à l’autre, entraînant l’auditeur à suivre attentivement ses plus infimes frémissements.

 

  • Shai Maestro Trio, Untold Stories

Son nom a tellement été associé à celui d’Avishai Cohen qu’inévitablement, c’est à son aîné que l’on pense d’abord en retrouvant ce chatoiement mélodique et ce swing si fin. Mais Shai Maestro est aussi un compositeur émancipé qui peut méditer des harmonies ravéliennes (When You Stop Seeing), diluer la tonalité dans des chromatismes impressionnistes (Shades) ou égarer sa mélancolie dans des crescendos sans espoir (Painting). Cet équilibre qu’il atteint entre jazz américain et modernité européenne (celle de Scriabine et de Debussy) donne à Untold Story une valeur unique dans la production jazz contemporaine.

 

  • Edward Perraud, Synaesthetic Trip 02

Batteur, band leader et compositeur, Edward Perraud invite dans son nouvel album les saxophonistes Daniel Erdmann et Thomas de Pourquery à s’allier à son propre quartet pour partir en quête de connexions sensorielles inédites. Entre improvisation libre, pluie de sons épars et grilles harmoniques parfaitement cadrées, se déploie un jazz sensuel et mental, réfléchi et spontané, qui ne se détache jamais complètement de ses racines blues et populaires, ainsi dans Nun Kommet Lascia Fare Mi, où passe l’émouvant souvenir des premières fanfares de ragtime.

 

  • Romain Collin, Press Enter

Atteindre l’évidence mélodique est tout sauf un jeu d’enfant en jazz. Cela suppose de lutter à la fois contre la facilité – l’évidence deviendrait alors cliché – et les complications destinées à « enrichir » l’improvisation. Aidé par un toucher très sensible, le pianiste Romain Collin évite ces écueils en faisant de chaque composition de son Press Enter sûr et délicat une ravissante révélation. A retrouver le 18 juin, sur la scène du Duc des Lombards.

 

  • Mathias Eick, Midwest

Midwest suit un cheminement imaginaire depuis le minuscule village de Norvège où Mathias Eick est né jusqu’aux immensités mythiques d’Amérique du Nord. Imprégné de folk et touché par l’écho de la migration, au XIXe siècle, de près d’un million de Norvégiens, le jazz atmosphérique du trompettiste, soutenu par la rusticité discrète du violon de Gjermund Larsen, se teinte de nostalgie et d’épopée, permettant à l’émotion de passer à travers la fameuse limpidité caractéristique des productions ECM.

 

  • Leïla Olivesi, Utopia

On oublie parfois qu’avant de se parer de connotations négatives, l’utopie a renvoyé au projet d’Utopia de Thomas More, tout comme on ignore généralement que Cyrano, avant d’être un personnage de théâtre, fut un auteur libertin du XVIIe siècle créateur de sociétés lunaires et de voyages solaires. A cette double source, futuriste et optimiste, la pianiste Leïla Olivesi a choisi de puiser le concept de sa propre Utopia toute de dialogues fraternels et d’écoutes partagées, manuel d’espérance en de nouvelles harmonies humaines et musicales.

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