« L’histoire du jazz féminin est celle d’un long parcours d’obstacles : de Bessie Smith aux stars actuelles comme Diana Krall ou Norah Jones, les « jazz ladies » durent affronter à la fois le racisme et la misogynie. Elles furent tout d’abord interprètes de minstrels, puis « canaris » ou « grives » ainsi qu’on nommait les chanteuses d’orchestre, avant de trouver toute leur place durant la guerre, quand les hommes furent mobilisés. Elles seront plus tard des militantes des droits civiques avant d’être enfin reconnues, dans les années 60-70, comme de grandes artistes. »
Extrait de Jazz ladies : le roman d’un combat de Stéphane Koechlin (Hors Collection, 2006)
À Nice et à Juan-les Pins, ce ne sont pas moins d’une quinzaine de chanteuses qui se sont produites cette année, soit presque une par soirée. Nécessité commerciale ou reflet d’une tendance actuelle? La question est également de savoir si c’est bien de jazz qu’il s’agit. En effet, Priscilla Ahn, Erykah Badu, Carla Bley, Tracy Chapman, Gabriella Cilmi, Lisa Ekdahl, Melody Gardot, Leela James, Molly Johnson, Nneka, Madeleine Peyroux, Alice Russell, Joss Stone, Susan Tedeschi et Virginie Teychené, toutes présentes dans la pinède ou les arènes de Cimiez, ont des univers musicaux très différents et souvent éloignés du registre de leurs aînées.
Il en va ainsi de ces chanteuses de la nouvelle génération, parmi lesquelles se distinguent également Mina Agossi et Élisabeth Kaontomanu: elles semblent s’inscrire sans complexe dans l’histoire du jazz vocal en y ajoutant leurs propres compositions et en revisitant les standards avec insouciance. À un moment où celles, plus âgées, qui se sont fait connaître en prenant le risque de ne pas plaire d’emblée, comme Patricia Barber, avec son mode très original de chanter/parler, en lien avec une écriture pianistique rétive à la mélodie, vient d’enregistrer un «Cole Porter Mix» inattendu et assez réjouissant. Leur trait commun, c’est sans doute de prendre toujours un peu de distance par rapport à leur art, de ne pas s’exposer complètement. Ne pas se replier sur soi en plein concert, comme Nina Simone le faisait souvent au risque de devoir, devant son public, tenter de remonter à la surface.