L’efficacité du vaccin Pfizer est estimée à 95 %. Cela signifie-t-il, comme on l’entend parfois, que, sur cent personnes vaccinées, cinq seront malades du Covid ? Ce n’est heureusement pas de cette façon qu’il faut comprendre ce chiffre. Quelques définitions sont peut-être utiles pour éviter de tels malentendus. Dans le monde entier, le laboratoire a sélectionné 43 000 volontaires. Une moitié d’entre eux, choisie au hasard, a été vaccinée. L’autre moitié a été « vaccinée » avec un placebo : de l’eau salée. Les volontaires ne pouvaient pas savoir s’ils avaient été vraiment vaccinés. On a ensuite attendu que 170 d’entre eux ressentent des symptômes du Covid et que les résultats de leur test se révèlent positifs. Parmi eux, huit avaient été vaccinés et 162 avaient reçu le placebo. Ainsi, les malades vaccinés étaient vingt fois moins nombreux que ceux qui ne l’étaient pas. Le risque d’être malade si on est vacciné est donc de 5 % du risque qu’on court si on n’est pas vacciné. Autrement dit, le risque de maladie a été diminué de 95 %, ce qu’on exprime en disant que l’efficacité clinique est de 95 %. Cet essai clinique doit être réalisé avant la mise en circulation du vaccin, car une efficacité supérieure à 50 % est indispensable pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché : 95 % est donc un très bon score.
L’efficacité dans la vie réelle nous intéresse bien plus : il s’agit maintenant de connaître la diminution du risque de maladie dans le monde réel pour une personne vaccinée. C’est assez différent d’un essai clinique, qui mesure surtout un degré de protection individuel. L’efficacité réelle dépend du nombre de personnes vaccinées dans la population : plus elles sont nombreuses, moins le virus circule, et moins il y aura de contaminations et donc de malades. Par ailleurs, la durée de la protection apportée par le vaccin, encore mal connue, est très importante dans la réalité, alors qu’elle n’intervient que peu dans l’essai clinique, qui dure peu de temps. L’efficacité réelle ne peut s’évaluer qu’après la mise en circulation du vaccin, grâce à des enquêtes épidémiologiques délicates : il faudra du temps pour la connaître dans le cas des vaccins anti-Covid.
Des bénéfices pour tous
Il faut encore ajouter deux autres sortes d’efficacité. N’oublions pas que la vaccination est avant tout une mesure de santé publique, qui ne vise pas seulement à limiter le risque de maladie pour l’individu vacciné, mais aussi pour toute la société, dont une proportion importante n’est pas vaccinée (parfois d’ailleurs pour de bonnes raisons). On peut alors estimer l’efficacité indirecte, c’est-à-dire la diminution du risque dont les individus non vaccinés bénéficient grâce à ceux qui sont vaccinés et qui ne les contaminent pas. Enfin, il y a l’efficacité globale, peut-être la plus importante et la plus difficile à estimer : la diminution du risque moyen dans la population totale (vaccinée ou pas) par rapport à ce que serait ce risque si personne n’était vacciné. Voilà donc quatre notions différentes d’efficacité.
Dans tous les cas, les vaccins contre le Covid seront extrêmement utiles même si leur efficacité globale sera probablement inférieure à 95 %. Même une valeur de 50 % permettrait d’éviter la moitié des maladies, entraînerait une diminution considérable de la circulation du virus dans la population et sauverait un grand nombre de vies.
Comme toujours, il faut faire attention avec les chiffres. Imaginons que, dans une population, il y ait dix fois plus de vaccinés que de non-vaccinés. Imaginons que le risque de maladie pour un vacciné soit cinq fois moins important que pour un non-vacciné. Comme les vaccinés sont dix fois plus nombreux, le nombre de malades vaccinés sera le double de celui des non-vaccinés. N’en déduisons surtout pas que la vaccination est inefficace.
N’hésitez pas ! Dès que vous en aurez la possibilité, vaccinez-vous !
Etienne Ghys