Dans sa chronique, Etienne Ghys nous emmène aux challenges organisés par l’association MATh.en.JEANS, destinés aux élèves de tous les niveaux scolaires. Une belle façon de donner le goût des maths.
« Carte blanche ». La saison 2018-2019 de l’association MATh.en.JEANS se termine. Depuis le mois de mars, dix congrès mathématiques ont eu lieu un peu partout en France, et deux autres se tiendront en mai, à l’étranger. Ces congrès sont très inhabituels : les participants et les conférenciers sont des élèves de tous les niveaux scolaires, du primaire au lycée. En 2018, 4 500 élèves ont participé (dont près de la moitié de filles) et 680 sujets mathématiques ont été discutés dans 300 « ateliers ».
Le principe est le suivant : des enseignants proposent à des élèves (volontaires) de réfléchir sur un thème qui a été suggéré par un chercheur référent. De petits groupes se forment, souvent à cheval sur plusieurs établissements scolaires, et les élèves se réunissent une fois par semaine pour réfléchir ensemble sur leur problème. Le grand moment est celui du congrès au cours duquel les élèves présentent leurs résultats devant leurs camarades, mais aussi devant les professeurs présents dans l’amphithéâtre. Ces moments d’échange sont magiques ; il est tellement rare de voir un élève au tableau expliquer à un professeur ce qu’il a découvert ! Certains de ces exposés sont rédigés et publiés par l’association.
Les thèmes abordés sont étonnamment divers. Parfois, il s’agit de théorie des nombres. Par exemple : si je multiplie tous les nombres entiers de 1 à 1 000, combien y aura-t-il de 0 à la fin du résultat de mon calcul ? D’autres fois, c’est la combinatoire qui est à l’honneur : comment peut-on placer un certain nombre de points dans le plan de telle sorte que la droite qui joint deux quelconques d’entre eux en contienne au moins un autre ? Ou encore : si je place un nombre pair de points dans le plan, peut-on les joindre deux par deux par des segments qui ne se rencontrent pas ?
D’autres thèmes sont beaucoup plus « utiles ». Je me souviens par exemple d’un groupe d’élèves qui ne supportaient plus les longues files d’attente à la cantine à midi. Ils ont cherché à optimiser les horaires en proposant au proviseur de modifier légèrement les heures de cours pour que les élèves ne sortent pas tous à la même heure. L’optimisation n’est pas si simple qu’on pourrait croire. Il y a aussi des groupes qui travaillent sur des tours de magie ou sur des stratégies gagnantes dans une version (très) simplifiée du poker.
Beau comportement exponentiel
L’association a été fondée en 1989 et sa croissance montre un beau comportement exponentiel, un triplement tous les dix ans environ : on devrait dépasser le million d’élèves impliqués dans… cinquante ans ! Toutes les enquêtes montrent une baisse de niveau en mathématiques des élèves français. Faut-il augmenter le nombre d’heures de cours ? Que penser de la future disparition des mathématiques dans le tronc commun en classe de première ? Ne faut-il pas soutenir plus fermement des initiatives comme MATh.en.JEANS en passant à des ordres de grandeur bien supérieurs ?
Pour cela, il faudrait le soutien financier massif de l’éducation nationale, qui est largement insuffisant. Aujourd’hui, 600 enseignants et 200 chercheurs sont impliqués dans l’association, tous volontaires et bénévoles. Il faudrait considérer que ce genre d’activité fait partie intégrante de la formation mathématique des élèves. Le volontariat et le bénévolat ont leurs limites…
C’est l’occasion de faire un peu de publicité. « Le prix André Parent a pour but de valoriser un travail de recherche, encadré ou non, effectué par un groupe de jeunes (primaire, collège ou lycée) pendant cette année scolaire, sur un sujet scientifique dans lequel les mathématiques tiennent une place primordiale. » Le prix sera remis lors du 20e Salon culture et jeux mathématiques, qui se tiendra les 23, 24, 25 et 26 mai, place Saint-Sulpice, à Paris.