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Tropique, sidérale ou anomalistique, quelle année peut-on vous souhaiter ? 

Cette nouvelle année dans un monde brutal et chaotique nous encourage peut-être à regarder ailleurs et à lever nos yeux vers le ciel, « par-delà le soleil, par-delà les éthers, par-delà les confins des sphères étoilées », pour y contempler « le feu clair qui remplit les espaces limpides » (Elévation, dans Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire). Qu’est-ce qu’une année ? Nous savons que la Terre tourne autour du Soleil et qu’elle fait un tour en un an.

La situation n’est pourtant pas si simple. Certes, depuis Kepler, on sait que les planètes, la Terre en particulier, décrivent des ellipses autour du Soleil. Newton a même montré, quatre-vingts ans plus tard, que cette forme elliptique est une conséquence mathématique de sa loi de la gravitation universelle. Mais Newton savait bien que la Terre n’est pas seulement attirée par le Soleil mais aussi par toutes les autres planètes, même si ces forces secondaires sont de l’ordre du millième de la force principale.

Les ellipses de Kepler ne sont donc que des approximations, et la véritable trajectoire de la Terre est une courbe bien plus compliquée, qui ne se referme pas périodiquement sur elle-même. Quelle peut donc être la définition d’une année puisqu’il n’y a pas de périodicité ?

Les astronomes ont au moins trois réponses à cette question. On peut d’abord considérer l’année sidérale : le temps mis par la Terre pour tourner de 360 degrés autour du Soleil, même si elle n’est pas revenue au même point. Vu depuis la Terre, le Soleil a fait un tour complet du zodiaque. On peut aussi considérer les intervalles de temps qui séparent deux périgées, ces moments où nous sommes au plus proche du Soleil, comme c’était le cas le 3 janvier vers 1 h 28 du matin. Après une année anomalistique, nous nous retrouvons à la même distance du Soleil, même si ce n’est pas tout à fait au même endroit dans l’espace (il s’en faut de plus de 8 000 kilomètres).

Comme le sommet d’une toupie

Ces deux sortes d’années n’intéressent pourtant que les astronomes. C’est l’année tropique qui nous intéresse en pratique : la périodicité des saisons. Il s’agit du temps qui sépare deux équinoxes de printemps (ou d’automne), ces moments où les jours et les nuits durent douze heures partout sur la Terre. On pourrait penser que les années tropique et sidérale coïncident, mais ce serait oublier la précession des équinoxes : la Terre tourne sur elle-même et son axe de rotation subit aussi une lente rotation, comme une toupie. Ainsi, il y a quatre mille ans, le Nord pointait vers une étoile dans la constellation du Dragon alors qu’il pointe aujourd’hui vers l’étoile Alpha Ursae Minoris, autrement appelée étoile polaire.

L’année tropique est la plus courte : 365 jours 5 heures 48 minutes et 45 secondes, l’année sidérale dure 20 minutes et 35 secondes de plus, et l’année anomalistique encore 4 minutes et 42 secondes supplémentaires. En quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, les ellipses de Kepler se modifient de manière significative, et cela explique certaines variations climatiques sur ces longues périodes (mais certainement pas le changement climatique actuel, beaucoup plus rapide, sur un siècle). Tous ces mouvements sont bien compris par les mathématiciens et les astronomes depuis assez longtemps, même si on sait aujourd’hui que sur des périodes plus longues, de quelques dizaines de millions d’années, la situation devient chaotique et les prévisions des positions précises des planètes, illusoires.

Dans Les Merveilles célestes. Lectures du soir (1865), Camille Flammarion se fait poète et imagine ce que serait notre vie si la Terre se déplaçait autour d’une étoile double, une bleue et une rouge. Les levers et les couchers de ces soleils alterneraient, et les couleurs du ciel donneraient certainement un spectacle multicolore sans cesse renouvelé.

Mathématiques : la leçon en une ligne du théoricien des nombres Don Zagier

Chaque année, le département de mathématiques de l’Ecole normale supérieure de Lyon organise un week-end pour ses étudiants. La recette est toujours la même : une quarantaine d’étudiants, une dizaine de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs lyonnais et un seul invité extérieur. L’invité est un mathématicien renommé, qui a souvent quarante ans de plus que les étudiants, avec la mission de présenter sa vision personnelle des mathématiques. Il s’agit de mettre en contact un chercheur accompli avec des futurs chercheurs qui ignorent presque tout de la vie mathématique.Lire aussi :  Article réservé à nos abonnés  Maryna Viazovska, mathématicienne ukrainienne, reçoit la médaille Fields

Le lieu est favorable à des rencontres informelles : le magnifique château de Goutelas, à 80 kilomètres de Lyon. Depuis vingt ans, les invités ont représenté la diversité des mathématiques : géométrie, combinatoire, théorie des nombres, analyse, etc. A l’arrivée, les étudiants sont souvent impressionnés par la réputation de l’invité, mais ils ne savent pas qu’il est lui-même inquiet face à sa propre responsabilité. Il a l’essentiel de sa carrière derrière lui et se trouve face à des jeunes qui ne l’ont pas encore commencée. Mais cette inquiétude réciproque ne dure pas longtemps, la magie opère, et on assiste souvent à des échanges d’une grande richesse.

Le dernier invité, du 7 au 9 octobre, était Don Zagier, 71 ans, théoricien des nombres, un brin excentrique. Il a la double nationalité américaine et allemande et parle couramment un bon nombre de langues (dont le français). Il enseigne actuellement à Bonn et à Trieste, après avoir été professeur au Collège de France. Les nombres et les formules de toutes sortes le fascinent, ce qui n’est pas si commun en mathématiques, contrairement à ce que le public pense en général. On lui doit des découvertes fondamentales, mais, de manière anecdotique, il a publié une preuve en une ligne du théorème des deux carrés de Fermat : un nombre premier différent de 2 est la somme de deux carrés de nombres entiers si et seulement si le reste de sa division par 4 est 1. Par exemple, le reste de la division de 41 par 4 est 1, et en effet 41 est la somme de 16 et de 25. Une preuve en une ligne ? Peut-être, mais une ligne probablement incompréhensible par beaucoup de lecteurs du Monde.

Une preuve en une ligne

Zagier a planté d’emblée le décor devant les étudiants avec une mauvaise foi assumée, en plaçant la théorie des nombres bien au-dessus de la géométrie et par conséquent, d’après lui, encore plus haut que la topologie. Beaucoup de ses prédécesseurs avaient émis des opinions radicalement différentes. Un thème central de ses conférences concernait ce qu’on appelle les « formes modulaires », inconnues des étudiants. Il a commencé par une boutade selon laquelle il y a cinq opérations en arithmétique : l’addition, la soustraction, la multiplication, la division et… les formes modulaires !

Ses conférences consistaient en effet à montrer comment la théorie des nombres permet de jeter un regard neuf sur la théorie des nœuds. Un nœud est l’objet topologique qu’on imagine : une ficelle nouée dans l’espace. Zagier a rappelé ce que tous les professionnels savent : qu’un résultat mathématique est d’autant plus intéressant qu’il jette des ponts entre des théories qu’on pensait indépendantes. Les exposés n’étaient pas toujours faciles à suivre pour les étudiants, mais le point important est qu’ils ont vu un mathématicien à l’œuvre, avec sa passion, son histoire personnelle, ses anecdotes, sa vision et ses conjectures.Etienne Ghys :  Article réservé à nos abonnés  Dans les coulisses des médailles Fields, ambiance James Bond

Le samedi soir, Zagier a proposé un exercice aux étudiants. Le lendemain matin, il annonçait que cinq étudiants avaient trouvé la solution, par des voies différentes. Il avoua que lui-même avait cherché pendant trois ans avant de trouver une solution. Réjouissons-nous : la relève est assurée.

Napoléon Bonaparte et la science

« Si je n’étais pas devenu général en chef et l’instrument du sort d’un grand peuple, […] je me serais jeté dans l’étude des sciences exactes. J’aurais fait mon chemin dans la route des Galilée et des Newton. Et puisque j’ai réussi constamment dans mes grandes entreprises, eh bien, je me serais hautement distingué aussi par des travaux scientifiques. J’aurais laissé le souvenir de belles découvertes. Aucune autre gloire n’aurait pu tenter mon ambition. »

Ces propos de Bonaparte, rapportés par Arago, nous confirment qu’il ne manquait pas d’ambition. Mais que son ambition se tourne aussi vers la science, en laissant entendre qu’il pourrait même dépasser Newton, alors que Lagrange avait pourtant déclaré — naïvement — que c’était impossible, voilà qui est beaucoup plus intéressant ! Dans l’histoire de France, certains de nos rois, empereurs, ou présidents ont soutenu les sciences, mais Napoléon Bonaparte est probablement le seul qui aurait rêvé d’être un scientifique… s’il n’avait pas été « l’instrument du sort d’un grand peuple ».

Bonaparte a aimé la science mais il a surtout compris très rapidement qu’il pourrait se servir des scientifiques pour développer son projet politique. En retour, les scientifiques l’ont aimé et l’ont soutenu, parfois servilement. Monge, le mathématicien, et Berthollet, le chimiste, furent littéralement fascinés par le jeune général pendant la campagne d’Italie. Ils parvinrent à faire élire Bonaparte à l’Institut national en 1797 alors qu’il n’avait que 28 ans et que ses contributions scientifiques étaient inexistantes, et… le resteront. Le général prendra le fauteuil de Lazare Carnot, infiniment meilleur scientifique que lui, mais qui venait d’être exclu de l’Institut à la suite du coup d’État de fructidor, dont Bonaparte fut d’ailleurs l’un des instigateurs. L’Institut fit preuve d’une clairvoyance intéressée en s’assurant les faveurs de celui qui deviendrait plus tard son protecteur. Bonaparte utilisera souvent le prestige de son nouveau statut et signera ses lettres « Le membre de l’Institut, général en chef, Bonaparte ».

On raconte que le 11 décembre 1797 Bonaparte dîna avec quelques membres influents de l’Institut pour assurer son élection qui devait avoir lieu deux semaines plus tard. Pour exhiber ses talents mathématiques, il expliqua à Laplace — celui qu’on appelait le Newton français — comment trouver le centre d’un cercle si on ne dispose que d’un compas et pas de règle. Laplace se serait exclamé « Nous attendions tout de vous, général, sauf des leçons de géométrie ». Bonaparte mentionna-t-il que cette construction géométrique était en quelque sorte une prise de guerre, puisqu’il l’avait obtenue d’un mathématicien milanais, du nom de Mascheroni, qu’il venait de rencontrer lors de la campagne d’Italie ? C’est — peut-être — ce qui a convaincu Laplace de voter pour Bonaparte.

C’est ensuite la campagne d’Égypte, qui se conclura par une déroute militaire mais un succès scientifique remarquable. Sait-on que Bonaparte a été suffisamment convaincant pour que 160 savants acceptent de s’embarquer à Toulon avec 50 000 soldats, sans avoir la moindre idée de leur destination finale ? La seule information qu’on avait donnée au géologue Dolomieu était que « là où l’on va, il y a des montagnes et des pierres ». Avait-on déjà vu dans l’Histoire une armée d’envahisseurs s’adjoindre des mathématiciens, naturalistes, archéologues et philologues ? La guerre et la science font parfois des alliances. Sur le pont du bateau qui le conduisait à Alexandrie, Bonaparte s’instruisait et organisait des conversations scientifiques, au grand dam des soldats qui trouvaient tout cela inutile. Des colloques de science à bord d’un navire de guerre ! Dès l’arrivée en Égypte, après la victoire des Pyramides (« quarante siècles vous contemplent »), l’Institut du Caire est fondé à l’image de l’Institut national : président Monge, secrétaire perpétuel Fourier, vice-président Bonaparte. Derrière les troupes qui piétinent dans le désert à la poursuite des Mamelouks, Monge écrit des articles expliquant le phénomène des mirages et Berthollet comprend la nature des équilibres chimiques en observant des lacs de natron.

Bonaparte s’enfuit précipitamment d’Égypte fin 1799, avant le désastre militaire, en abandonnant son armée et la plupart des savants de l’expédition. Mais ses amis de toujours, Berthollet et Monge, sont du voyage de retour vers Paris. Quelques jours plus tard, c’est le coup d’État du 18 brumaire, la fin du Directoire, le début du Consulat, qui mènera ensuite à l’Empire et au pouvoir absolu de Napoléon Bonaparte, jusqu’à Waterloo, en 1815.

La période du Consulat et de l’Empire fut probablement la plus glorieuse de l’Histoire des sciences en France. Voici en vrac quelques noms qui sonnent comme une liste de rues de Paris : les mathématiciens Fourier, Lacroix, Lagrange, Laplace, Legendre, Monge, Poisson, les astronomes Arago, Cassini, Lalande, les physiciens Ampère, Biot, Borda, Carnot, Coulomb, Fresnel, Haüy, Malus, les chimistes Berthollet, Chaptal, Charles, Fourcroy, Gay-Lussac, les naturalistes Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, Lamarck, les frères Jussieu, les médecins Laennec ou Sabatier, et j’en oublie beaucoup !

Napoléon a très largement soutenu la science pendant cette période. Un soutien non seulement de principe, mais surtout financier. Les savants n’ont probablement jamais été si bien payés dans notre histoire : de quoi faire rêver les scientifiques contemporains. Des prix très généreux sont distribués par l’Institut. Par exemple, impressionné par les expériences de Volta, l’empereur offre une somme considérable pour faire progresser la théorie naissante de l’électricité.

Napoléon Bonaparte était persuadé que les savants devaient jouer un rôle majeur dans la vie politique et il a placé quelques-uns d’entre eux aux postes les plus élevés. Jamais le monde politique français n’a été aussi au fait des derniers progrès de la science. Faudrait-il s’en inspirer aujourd’hui ? Certes, le premier essai fut un échec. Trois jours après le 18 brumaire, Laplace fut nommé ministre de l’Intérieur. Le premier consul le révoquera six semaines plus tard, et se justifiera en écrivant « Géomètre de première catégorie, Laplace n’a pas tardé à se montrer un administrateur plus que médiocre ; dès son premier travail nous avons immédiatement compris que nous nous étions trompés. Laplace ne traitait aucune question d’un bon point de vue : il cherchait des subtilités de partout, il avait seulement des idées problématiques et enfin il portait l’esprit de l’infiniment petit jusque dans l’administration. » Mais Napoléon a su faire des choix remarquables de grands serviteurs de l’État parmi les meilleurs scientifiques, héritiers des Lumières. Je ne citerai que deux exemples emblématiques, Fourcroy et Chaptal.

Fourcroy, chimiste, est l’auteur d’une refonte du système éducatif français, avec la création en particulier des fameux lycées napoléoniens en 1802. Ce sont des internats de garçons à la discipline quasi militaire qui forment l’élite dont le pouvoir centralisé a besoin pour maintenir l’ordre. Des programmes précis sont imposés par la loi. Tout cela est peu propice à la créativité individuelle et nous en ressentons encore les effets délétères aujourd’hui. En même temps, la science y occupe enfin la place qu’elle mérite : une vraie révolution par rapport à l’Ancien Régime. On y enseigne bien sûr le latin, l’histoire et la géographie, mais aussi, à égalité avec les humanités, les mathématiques, la physique, chimie, histoire naturelle et minéralogie, au long d’un cursus de six années se terminant par des études de belles lettres latines et françaises et de mathématiques dites transcendantes. Hélas, la mise en pratique sera laborieuse et dès 1809, avec la création de l’Université Impériale, la belle égalité va régresser, et l’enseignement scientifique va disparaître virtuellement lors de la Restauration. On reproche alors à la science de détourner de la Religion. Au cours du dix-neuvième siècle, l’enseignement des sciences va connaître des hauts et des bas et il faudra attendre la grande réforme pédagogique de 1902 pour revoir une renaissance très partielle de la science au lycée. Aujourd’hui, la science est encore le parent pauvre de l’école primaire.

Quant à Chaptal, sa contribution va bien au-delà de la production du sucre à partir de la betterave, alors que le blocus continental empêchait l’importation de sucre de canne. Il fut un excellent ministre de l’Intérieur en donnant une impulsion à l’industrialisation de la France qui se poursuivra pendant tout le siècle. Il actualise le mode de fonctionnement des professions médicales, réforme les hôpitaux. Il promeut la vaccination avec enthousiasme, sans la rendre obligatoire, un peu comme aujourd’hui. Il organise le réseau routier, rétablit les chambres de commerce, met en place les premiers services publics de statistiques, importants pour une bonne administration nationale. Il n’hésite jamais à s’opposer à l’empereur, qui ne lui en tiendra pas rigueur.

Napoléon protégea l’Institut de France, parfois de manière excessive : dans la loi du 11 floréal de l’an X, on lit « qu’aucun établissement ne pourra désormais prendre le nom d’Institut. L’Institut national sera le seul établissement public qui portera ce nom ». Cette loi n’a pas été abrogée à ce jour et semble peu appliquée ! En retour, l’Institut de France n’a pas manqué de montrer son affection pour l’empereur, par exemple en inaugurant en grande pompe une statue majestueuse au Palais Conti. Napoléon y est représenté en costume impérial et sa main droite repose sur une petite colonne sur laquelle est gravée une Minerve, symbole de l’Institut. Lors de la cérémonie, on exécuta un chant lyrique très obséquieux. Les milieux scientifiques et politiques connaissent la flatterie.

Bien sûr, des liens si intimes fondés sur des séductions mutuelles ne peuvent qu’engendrer des crises lorsque la confiance est remise en question. Depuis l’île d’Elbe, pendant la première Restauration, Napoléon a remarqué avec amertume l’empressement avec lequel l’Institut l’avait renié. Le président de l’Institut n’avait-il pas écrit, dès le lendemain de l’abdication de l’empereur : « Avec la liberté, nous retrouvons le roi que nos vœux appelaient » ? Après le vol de l’aigle, de retour à Paris, l’empereur fait part de son irritation par l’intermédiaire de Lazare Carnot, devenu son ministre de l’Intérieur. Il ne souhaite plus être membre de l’Institut, il n’est plus l’un de leurs confrères mais il est en revanche leur supérieur et le titre qu’il convient de lui donner dorénavant est celui de protecteur de l’Institut.

L’amour de Napoléon pour la science n’était pas feint. Après Waterloo, il croyait pouvoir s’enfuir en Amérique sans difficulté. « Le désœuvrement, dit-il à Monge, serait pour moi la plus cruelle des tortures. Condamné à ne plus commander des armées, je ne vois que les sciences qui puissent s’emparer fortement de mon âme et de mon esprit. Apprendre ce que les autres ont fait ne saurait me suffire. Je veux dans cette nouvelle carrière, laisser des travaux, des découvertes, dignes de moi. Il me faut un compagnon qui me mette d’abord et rapidement au courant de l’état actuel des sciences. Ensuite nous parcourrons ensemble le nouveau continent, depuis le Canada jusqu’au Cap Horn, et dans cet immense voyage nous étudierons tous les grands phénomènes de la physique du globe, sur lesquels le monde savant ne s’est pas encore prononcé. » Monge s’écria : « Sire, votre collaborateur est trouvé : je vous accompagne ! ». Napoléon répondit que son ami Monge était trop âgé pour se lancer dans l’aventure. « Sire, répliqua Monge, j’ai votre affaire avec la personne d’un de mes jeunes confrères, Arago. » Le jeune Arago n’accepta pas l’offre. On le comprend, il avait beaucoup mieux à faire en France. Plus tard, à Sainte-Hélène, Napoléon dira de Monge : « Il m’aimait comme une maîtresse, et je lui rendais bien ». Quant à Monge, il avouera vers la même époque : « J’ai eu quatre passions : la Géométrie, l’École polytechnique, Berthollet et Bonaparte. »

En effet, Napoléon et la science se sont aimés avec passion.

L’Académie des sciences ouvre ses Comptes Rendus en libre accès

Paris, le 14 décembre 2020

Publication historique de l’Académie des sciences, la revue Les Comptes Rendus de l’Académie des sciences est désormais accessible en ligne selon la formule du « libre accès diamant ». Ce modèle de publication rend disponibles en permanence tous les articles dans le monde entier, sans aucune charge financière, ni pour les lecteurs ni pour les auteurs. En outre, l’Académie autorise le dépôt des preprints en archives ouvertes. Fidèle à ses missions d’encouragement de la vie scientifique et de transmission des connaissances, l’Académie des sciences fait ainsi évoluer l’édition de ses revues scientifiques, afin de l’accorder avec les principes de la science ouverte, en collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle,le CNRS et l’Université Grenoble Alpes.

 
En 2020, l’Académie des sciences a opéré la refonte complète de ses revues scientifiques : les sept séries des Comptes Rendus de l’Académie des sciences sont désormais accessibles gratuitement sur le site https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/

Cette évolution fondamentale a pu être conduite par l’Académie grâce à l’établissement de deux partenariats fondateurs : 

  • Le centre Mersenne pour l’édition scientifique ouverte (CNRS – Université Grenoble Alpes)[1], plateforme d’édition pionnière de la science ouverte, a été choisi pour assurer l’édition des revues MathématiquePhysiqueMécaniqueChimieGéoscience et Biologies.  Ce partenariat s’inscrit dans le cadre d’un protocole d’accord, signé avec le CNRS le 28 octobre 2020, visant à mettre en place un dispositif de concertation et de coopération notamment en matière d’édition scientifique.
  • L’édition de la revue Palévol, quant à elle, a été confiée au Muséum national d’Histoire naturelle, dont l’expertise est une référence incontestée dans la communauté internationale des paléontologues taxonomistes et naturalistes. Ce partenariat entre l’Académie et le Muséum reflète la convergence historique des missions d’intérêt général des deux institutions. 

« Nous nous réjouissons des fructueuses collaborations établies entre l’Académie et ses prestigieux partenaires. Grâce à elles, ce projet complexe, qui nous tenait particulièrement à coeur, a pu voir le jour. Dans la perspective des objectifs stratégiques que l’Académie s’est fixés pour les années à venir, il ambitionne de poser les bases d’un renouveau de l’édition scientifique française », souligne Etienne Ghys, Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. 

« Grâce à un fort soutien, notamment financier, du CNRS et à la mobilisation exceptionnelle de son équipe, le Centre Mersenne a réussi à relever avec enthousiasme le défi proposé par l’Académie des sciences. Ceci préfigure un partenariat renforcé qui fera de l’Académie des sciences, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes des acteurs majeurs de la science ouverte », précise Evelyne Miot, responsable scientifique du Centre Mersenne.

« Je ne peux que saluer avec enthousiasme et fierté la collaboration engagée entre l’Académie des sciences et le Muséum national d’Histoire naturelle », indique Bruno David, président du Muséum national d’Histoire naturelle. « La paléontologie a toujours été une discipline au cœur des recherches conduites au Muséum, une discipline qui a largement contribué à sa réputation internationale. L’arrivée de Palévol dans ce nouveau cadre partenarial vient ainsi s’inscrire dans le prolongement des actions de personnalités aussi prestigieuses que Lamarck, Cuvier, d’Orbigny, Gaudry et bien d’autres. Je souhaite le même succès à la belle revue qu’est Palévol ».

Les archives des articles publiés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2019 dans les 7 revues des Comptes Rendus restent disponibles en libre accès sur le site d’Elsevier. Les archives antérieures, jusqu’en 1835, sont accessibles sur Gallica et bientôt sur Persée.

Les Comptes Rendus constituent un ensemble de 7 revues électroniques évaluées par les pairs. 

En 2020, la ligne éditoriale de certaines d’entre elles a été réorientée.

Comptes Rendus – Mathématique. Un nouveau souffle vient d’être apporté par l’enrichissement du comité éditoral et l’élargissement des objectifs éditoriaux. CR-Mathématique accueille désormais différents types de publications, et encourage particulièrement : les travaux de recherche originaux et significatifs ; les articles présentant de façon non technique ou synthétique des développements mathématiques importants ou d’actualité ; les textes présentant de façon globale des œuvres mathématiques importantes ; des numéros thématiques faisant le point sur diverses approches d’un même problème (par exemple pour rendre compte de colloques ou journées de travail) ; des textes de réflexion historique, philosophique ou didactique étroitement liés aux mathématiques. Rédacteurs en chef : Jean-Michel Coron, Jean-Pierre Demailly, Étienne Ghys, Laure Saint-Raymond.

Comptes Rendus – Physique couvre l’ensemble des domaines de la physique et de l’astrophysique et propose essentiellement des dossiers. Grâce à cette formule, qui est devenue une référence dans le domaine, les lecteurs trouvent dans chaque numéro la présentation d’un sujet en développement particulièrement rapide. Les auteurs sont choisis parmi les chercheurs les plus actifs et la coordination de chaque numéro thématique est assurée par un rédacteur en chef invité, garantissant la prise en compte des résultats les plus récents et significatifs. CR-Physique laisse également une place aux résultats nouveaux (sur recommandation d’un académicien), aux mises au point, et à la présentation des travaux des lauréats des prix de l’Académie. Rédacteurs en chef : Denis Gratias, Jacques Villain.

Comptes Rendus – Mécanique publie des articles originaux de recherche, des articles de revue, des numéros thématiques et des articles reflétant l’histoire de la discipline. La revue couvre l’ensemble des domaines de la mécanique : systèmes dynamiques / mécanique des solides / mécanique des fluides / acoustique, ondes, vibrations / automatique, traitement du signal. Les articles sont proposés sous la forme de notes originales relatant brièvement une découverte importante. La publication des résultats est rapide. Les numéros thématiques présentent les dossiers les plus à jour dans les domaines traités. Rédacteur en chef : Jean-Baptiste Leblond.

Comptes Rendus – Chimie a pour objectif de maintenir des échanges scientifiques de haut niveau entre les différentes sous-disciplines de la chimie. La revue publie des travaux de recherches originaux (notes, mémoires courts) et des articles de synthèse (mises au point, chroniques historiques) dans tous les domaines de la chimie. Les communications préliminaires doivent décrire des résultats nouveaux et importants, tandis que les articles complets doivent fournir une vue détaillée de nouveaux résultats. Dans tous les cas, les travaux doivent présenter un intérêt général élevé ou un intérêt spécialisé exceptionnel. La revue fait également une large place à des numéros thématiques, réunissant autour d’un rédacteur en chef invité, les meilleurs spécialistes du domaine considéré. Rédacteur en chef : Pierre Braunstein.

Comptes Rendus – Géoscience, qui couvre traditionnellement l’ensemble des domaines des sciences de la Terre (géophysique, géomatériaux, géochimie, géosciences de surface, océanographie, stratigraphie, tectonique, géodynamique…), élargit maintenant sa politique éditoriale en encourageant la publication d’articles traitant des « sciences de la Planète » au sens large. La revue s’ouvre davantage aux thématiques scientifiques au cœur des enjeux sociétaux et environnementaux actuels : risques naturels, approvisionnement énergétique et en métaux-matériaux, ressources en eau, pollutions, changement climatique, tant dans le domaine continental qu’océanique ou atmosphérique. La soumission d’articles interdisciplinaires est encouragée, pour mieux cerner les effets globaux des activités humaines sur le fonctionnement du « système Terre » . Rédacteurs en chef : Ghislain de Marsily et François Chabaux.

Comptes Rendus – Biologies voit en 2020ses objectifs profondément modifiés. Fidèle à l’esprit de son titre, la revue centre ses articles sur les activités scientifiques des membres ou des lauréats des prix de  l’Académie, qui sont très riches . Elle ne reçoit les soumissions d’articles de recherche que sur invitation, mais sollicite majoritairement les plus grands noms de la biologie pour des articles répartis en plusieurs rubriques : «  C’est paru dans la presse/ News and views  », « Articles et revues », « Notices biographiques », « Opinions et perspectives ». Cette dernière rubrique permet discussions et hypothèses  sur des sujets variés. Des numéros thématiques sur des thèmes d’actualité seront régulièrement programmés, tel celui sur la COVID 19 en cours d’élaboration. Les articles sont intégralement bilingues anglais/français et la publication est rapide. Rédacteurs en chef : Jean-François Bach, Pascale Cossart, Bernard Dujon, Jean-Dominique Lebreton.

Comptes Rendus – Palévol est une revue en flux continu, consacrée à la recheche en paléontologie, préhistoire et science de l’évolution. Elle publie des résultats originaux de recherche en systématique, paléotonlogie humaine, préhistoire, biologie évolutive, et macroévolution. La revue publie aussi des numéros thématiques sous la responsabilité de rédacteurs en chef invités. La convention de partenariat de coédition avec l’Académie permet de faire bénéficier CR-Palévol des normes de publication rigoureuses en vigueur pour les revues du Muséum, du respect des différents codes de nomenclatures et de la compatibilité directe avec les grandes bases de données internationales. Rédacteurs en chef : Philippe Taquet et Michel Laurin.

Créée par Colbert en 1666, l’Académie des sciences est une assemblée de scientifiques, choisis parmi les plus éminents spécialistes français et étrangers. Les réflexions et débats qu’elle conduit ont pour rôle de fournir à tous un cadre d’expertise, de conseil et d’alerte, vis-à-vis des enjeux politiques, éthiques et sociétaux que pose la science. En vertu de cette mission, elle œuvre au partage de la science en tant que bien commun pour éclairer les choix des citoyens, et formule des recommandations, sur lesquelles peuvent s’appuyer les autorités gouvernementales. Elle soutient en outre la recherche, s’engage pour la qualité de l’enseignement des sciences et encourage la vie scientifique sur le plan international.

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[1] Le centre Mersenne est une plateforme d’édition ouverte développée par la Cellule de coordination documentaire nationale pour les Mathématiques (Mathdoc, CNRS/UGA).