Le point de départ de ce Dossier de veille  était une analyse des transformations de l’offre de formation supérieure à la lumière des disciplines. Il s’agissait de sortir des approches pédagogiques transversales qui ont dominé mes précédentes analyses pour entrer dans les univers disciplinaires, comprendre ce qui détermine les évolutions curriculaires à l’échelle des disciplines, ce qui distingue les approches pédagogiques en histoire, de celles de gestion ou de celles de physique…

Or le travail de collecte de la preuve empirique s’est avéré ardu : peu de recherches introspectives permettent de monter en généralité sur ces questions… Les publications en médecine et en ingénierie, nombreuses en langue anglaise, génèrent une appréhension « dispersée » parce qu’internationale, qui oblige à évacuer les contextes, à ne pas prendre en considération les dynamiques locales, intra ou inter-établissements, dont on sait l’importance qu’elles revêtent dans la variation des pratiques.

Pour que le détour par l’international ne soit pas une fin en soi mais un moyen de mieux comprendre ce qui fait la force ou la faiblesse de notre propre système éducatif, il nous est apparu opportun du coup d’explorer le statut de ces disciplines dans l’université d’aujourd’hui, et les tensions nouvelles entre logiques disciplinaires et logiques institutionnelles.

Endrizzi Laure (2017). L’avenir de l’université est-il interdisciplinaire ?. Dossier de veille de l’IFÉ n°120, novembre. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=120&lang=fr

Voici le résumé de l’article :
Les injonctions à l’utilité des formations et à l’interdisciplinarité des recherches questionnent fortement depuis les années 2000 l’organisation des universités tout autant que les modes de production et de légitimation des savoirs et la fabrique des curriculums : la recherche n’aurait de sens qu’appliquée et l’enseignement devrait être professionnalisant. Dans ce contexte, faut-il remettre en question le système des disciplines, fondé sur un modèle d’université plus détaché des impératifs sociétaux ?
Après une première partie qui rend compte de ce qui définit intrinsèquement et extrinsèquement une discipline universitaire et explore ce qui l’affaiblit et la déstabilise aujourd’hui, cette revue de littérature, basée sur des recherches récentes, essentiellement françaises, propose une analyse à la fois historique et sociologique des logiques disciplinaires.
La deuxième partie examine ainsi les disciplines à la fois comme mode de différenciation et de spécialisation des savoirs et comme structure organisant l’espace institutionnel, en cherchant à mettre en évidence la manière dont elles s’adaptent et se reconfigurent sous l’influence de sollicitations externes.
La troisième partie aborde l’interdisciplinarité en recherche, à la fois d’un point de vue théorique et au travers des pratiques scientifiques observables, et s’interroge sur l’avénement d’un nouveau paradigme aux frontières disciplinaires plus plastiques, avec l’essor massif des studies dans les pays anglo-saxons.

 

et son plan détaillé :

1/ Des disciplines délégitimées ?

  • Des disciplines aux propriétés stables
    • Ce qui fait discipline
    • Des « essences » disciplinaires plus ou moins convergentes
  • L’ouverture des disciplines à la rationalité
    • Une offre de formation rationalisée et des savoirs utiles
    • L’interdisciplinarité contre l’émiettement des savoirs
  • Des réformes sans les disciplines ?

2/ Des disciplines toujours structurantes au niveau institutionnel

  • Elles se fondent sur une différenciation des domaines du savoir
    • Alternance entre synthèse et analyse
    • Des hiérarchies disciplinaires mouvantes
  • Elles organisent l’espace institutionnel
    • Des pouvoirs facultaires historiquement forts
    • Des recrutements disciplinés, des carrières indisciplinées
    • Institutionnalisation des disciplines via la recherche
  • Elles s’adaptent aux fluctuations des milieux académiques
    • Logiques disciplinaires versus institutionnelles
    • Influences des gouvernances et des cadres institutionnels
    • Les gender studies : une institutionnalisation externe et internationale

3/ Des manières plus « in(ter)disciplinées » de faire la science ?

  • L’interdisciplinarité en théories
  • L’interdisciplinarité en pratiques
    • Du cœur à la périphérie des disciplines, des pratiques ponctuelles
    • Des carrières interdisciplinaires au CNRS ?
    • Des chercheurs individuellement mutants ou résistants
    • Quelle évaluation de la recherche interdisciplinaire ?
  • Les (cultural) studies : un paradigme anti ou post-disciplinaire ?
  • L’avenir de l’université est-il interdisciplinaire ?