Bons en maths : gare aux stéréotypes de genre à l’école primaire

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/11/03/bons-en-maths-gare-aux-stereotypes-de-genre-a-l-ecole-primaire_6100739_1650684.html

Depuis 2018, tous les élèves de l’école élémentaire sont évalués trois fois : en septembre à leur entrée en CP, fin janvier en milieu d’année scolaire, et en septembre à leur entrée en CE1. Il s’agit d’évaluations standardisées et relativement courtes, en français et en mathématiques, identiques dans toutes les écoles de France. On dispose donc d’informations précises sur les compétences de 700 000 enfants.

Une note récente du conseil scientifique de l’éducation nationale, intitulée « Qu’apprend-on des évaluations de CP-CE1 », tire quelques conclusions de cette masse de données. Certaines ne surprendront pas les professeurs des écoles. Par exemple, dans une même classe, les enfants nés en janvier réussissent significativement mieux que ceux qui sont nés en décembre de la même année. Il fallait s’y attendre : quand on a six ans, un an de plus ou de moins, c’est une énorme différence. Il va de soi que les professeurs le savent et en tiennent compte. Une autre observation, hélas évidente, est que les écoles situées dans des zones défavorisées ont des résultats inférieurs. Pour se rassurer sur le rôle de l’école, on vérifie heureusement qu’à la rentrée en CE1 ce déficit s’est en partie résorbé, même s’il subsiste.

Une constatation surprenante est la rapidité extrême avec laquelle une différence se met en place entre les garçons et les filles en matière de mathématiques. Les chiffres sont vraiment alarmants. À l’entrée en CP, les garçons et les filles ont exactement les mêmes compétences en mathématiques. A peine cinq mois plus tard, les garçons ont des résultats nettement meilleurs, et un an plus tard, à l’entrée en CE1, l’écart s’est encore creusé. Cela ne dépend ni du type d’école, ni de la position sociale, ni de l’âge des élèves.

Voir au-delà du calcul

Comment comprendre ce phénomène désolant ? Dans de nombreux pays, ce sont pourtant les filles qui ont de meilleurs résultats. Les enquêtes internationales montrent que beaucoup de pays ont réussi à combler ces différences en mathématiques entre les sexes. Il va falloir débusquer les stéréotypes de genre qui se cachent à l’école et dans notre société. Inconsciemment, beaucoup d’entre nous pensent que les mathématiques sont plus masculines que féminines. Nous ne nous comportons pas de la même manière face à une petite fille et à un petit garçon lorsqu’il s’agit de mathématiques. Il faut aussi prendre garde au fait que ces évaluations mathématiques ne concernent essentiellement que les nombres. Les mathématiques, en particulier à l’école, vont pourtant bien au-delà du calcul : il y a aussi les rudiments de logique ou la manipulation des formes, qui ne font pas partie des évaluations et pour lesquelles il ne faudrait pas tirer de conclusions hâtives.

En français, à l’entrée en CP, il existe un avantage pour les filles qui se réduit en janvier, pour réapparaître de manière plus faible en CE1

Étonnamment, ce phénomène ne se produit pas en français, ou plus précisément dans les compétences en langage. A l’entrée en CP, il existe un avantage pour les filles qui se réduit en janvier, pour réapparaître de manière plus faible en CE1. Voilà d’autres stéréotypes de genre qu’il faut déconstruire.

Le but principal de ces évaluations à l’école élémentaire n’est pas seulement de déterminer un état des lieux des compétences des enfants au niveau national : un simple sondage suffirait. Il s’agit avant tout de proposer aux enseignants un outil qui leur permet de mesurer le plus objectivement possible les progrès de chacun de leurs élèves, et de détecter à temps des difficultés qui peuvent se présenter dans leur apprentissage. Pour l’instant, seule une petite moitié des professeurs des écoles déclarent que ces évaluations leur ont permis de déceler des problèmes chez leurs élèves. On ne sera pas surpris de leur méfiance face à ces évaluations nationales un peu trop normatives : qui connaît mieux les élèves que les maîtres et les maîtresses ?