https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/01/17/tropique-siderale-ou-anomalistique-quelle-annee-peut-on-vous-souhaiter_6211318_1650684.html

Tropique, sidérale ou anomalistique, quelle année peut-on vous souhaiter ? 

Cette nouvelle année dans un monde brutal et chaotique nous encourage peut-être à regarder ailleurs et à lever nos yeux vers le ciel, « par-delà le soleil, par-delà les éthers, par-delà les confins des sphères étoilées », pour y contempler « le feu clair qui remplit les espaces limpides » (Elévation, dans Les Fleurs du mal, de Charles Baudelaire). Qu’est-ce qu’une année ? Nous savons que la Terre tourne autour du Soleil et qu’elle fait un tour en un an.

La situation n’est pourtant pas si simple. Certes, depuis Kepler, on sait que les planètes, la Terre en particulier, décrivent des ellipses autour du Soleil. Newton a même montré, quatre-vingts ans plus tard, que cette forme elliptique est une conséquence mathématique de sa loi de la gravitation universelle. Mais Newton savait bien que la Terre n’est pas seulement attirée par le Soleil mais aussi par toutes les autres planètes, même si ces forces secondaires sont de l’ordre du millième de la force principale.

Les ellipses de Kepler ne sont donc que des approximations, et la véritable trajectoire de la Terre est une courbe bien plus compliquée, qui ne se referme pas périodiquement sur elle-même. Quelle peut donc être la définition d’une année puisqu’il n’y a pas de périodicité ?

Les astronomes ont au moins trois réponses à cette question. On peut d’abord considérer l’année sidérale : le temps mis par la Terre pour tourner de 360 degrés autour du Soleil, même si elle n’est pas revenue au même point. Vu depuis la Terre, le Soleil a fait un tour complet du zodiaque. On peut aussi considérer les intervalles de temps qui séparent deux périgées, ces moments où nous sommes au plus proche du Soleil, comme c’était le cas le 3 janvier vers 1 h 28 du matin. Après une année anomalistique, nous nous retrouvons à la même distance du Soleil, même si ce n’est pas tout à fait au même endroit dans l’espace (il s’en faut de plus de 8 000 kilomètres).

Comme le sommet d’une toupie

Ces deux sortes d’années n’intéressent pourtant que les astronomes. C’est l’année tropique qui nous intéresse en pratique : la périodicité des saisons. Il s’agit du temps qui sépare deux équinoxes de printemps (ou d’automne), ces moments où les jours et les nuits durent douze heures partout sur la Terre. On pourrait penser que les années tropique et sidérale coïncident, mais ce serait oublier la précession des équinoxes : la Terre tourne sur elle-même et son axe de rotation subit aussi une lente rotation, comme une toupie. Ainsi, il y a quatre mille ans, le Nord pointait vers une étoile dans la constellation du Dragon alors qu’il pointe aujourd’hui vers l’étoile Alpha Ursae Minoris, autrement appelée étoile polaire.

L’année tropique est la plus courte : 365 jours 5 heures 48 minutes et 45 secondes, l’année sidérale dure 20 minutes et 35 secondes de plus, et l’année anomalistique encore 4 minutes et 42 secondes supplémentaires. En quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, les ellipses de Kepler se modifient de manière significative, et cela explique certaines variations climatiques sur ces longues périodes (mais certainement pas le changement climatique actuel, beaucoup plus rapide, sur un siècle). Tous ces mouvements sont bien compris par les mathématiciens et les astronomes depuis assez longtemps, même si on sait aujourd’hui que sur des périodes plus longues, de quelques dizaines de millions d’années, la situation devient chaotique et les prévisions des positions précises des planètes, illusoires.

Dans Les Merveilles célestes. Lectures du soir (1865), Camille Flammarion se fait poète et imagine ce que serait notre vie si la Terre se déplaçait autour d’une étoile double, une bleue et une rouge. Les levers et les couchers de ces soleils alterneraient, et les couleurs du ciel donneraient certainement un spectacle multicolore sans cesse renouvelé.