Pierre Varignon, passerelle entre maths et physique

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Connaissez-vous le théorème de Varignon ? Les quatre milieux des côtés d’un quadrilatère quelconque forment toujours un parallélogramme. A-t-il vraiment fallu attendre le début du XVIIIe siècle pour démontrer un résultat aussi élémentaire, qu’on rencontre parfois aujourd’hui dans les manuels de mathématiques du collège ? Résultat simple, et pas très intéressant, il faut en convenir. C’est une espèce de malédiction : on attribue souvent à des mathématiciens des résultats qui n’illustrent en rien leur œuvre. Le théorème d’Arnold affirme même qu’aucun théorème portant un nom propre n’est dû à cette personne (et ce théorème s’applique d’ailleurs à lui-même).

Pierre Varignon est un mathématicien né en 1654 et mort en 1722. Un colloque, organisé du 17 au 19 janvier, à l’occasion du tricentenaire de sa mort, a permis de jeter un regard sur cette période passionnante de l’histoire des sciences. Il ne s’agit ni d’Isaac Newton (1642-1727) ni de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), dont les œuvres ont été abondamment étudiées, mais d’un personnage secondaire qui a néanmoins joué un rôle important dans les mathématiques françaises.

Varignon fut tout à la fois un enseignant et un chercheur, servant aussi d’intermédiaire entre les grands penseurs de son époque. La polémique faisait rage : Newton et Leibniz revendiquaient l’un et l’autre le calcul différentiel, qu’ils présentaient de manière très différente. Varignon jouera un rôle de « traducteur » entre les deux variantes d’un même langage. Son ouvrage posthume Eclaircissemens sur l’analyse des infiniment petits, publié en 1725, permettra l’introduction de ce nouveau calcul différentiel en France, à l’origine d’une véritable révolution scientifique.

Prémisses du calcul des vecteurs

En mécanique, on lui doit des énoncés clairs sur la composition des forces, seulement entrevus auparavant par Léonard de Vinci et Galilée. Son livre Nouvelle Mécanique ou Statique, dont le projet fut donné en 1687, contient des planches admirables. On y voit des poids suspendus à des câbles dans toutes sortes de configurations et on décrit les conditions d’équilibre. Avec un peu d’imagination, on devine les prémisses du calcul des vecteurs, si importants aujourd’hui, aussi bien en mathématiques qu’en physique.

Varignon est peut-être le premier enseignant-chercheur professionnel en France. Il fut le premier professeur de mathématiques au collège Mazarin, en 1688, dans le palais qui hébergera bien plus tard l’Institut de France. Il y enseignera jusqu’à sa mort avec beaucoup d’intérêt. Son livre Elémens de mathématique, publié en 1731, reprend son enseignement et contient en particulier le théorème de Varignon.

Il était un vrai géomètre, comme en témoigne le commentaire d’un contemporain qui écrira qu’« il avoit toutes les peines du monde à dire son bréviaire, à cause de l’habitude qu’il avoit contractée des figures de mathématiques (…) et qu’il falloit même que ce qu’il lisoit, pour pouvoir le retenir, fût susceptible de figures ». La bibliothèque Mazarine de l’Institut héberge d’ailleurs, jusqu’au 15 avril, une exposition remarquable intitulée « Pierre Varignon (1654-1722). Pratique et transmission des mathématiques à l’aube des Lumières ». Une visite à ne pas manquer pour les amateurs de livres anciens, dans un cadre exceptionnel.

En 1694, il fut élu au Collège royal, devenu le Collège de France. Les nouveaux professeurs y prononcent leurs leçons inaugurales mais, à l’époque, on parlait de « harangue d’entrée ». Voici le titre de celle de Varignon (traduit du latin, bien sûr) : « Du secours mutuel que se procurent la mathématique et la physique : la physique est incertaine sans mathématique, la mathématique à peine utile sans physique ». Voilà un titre que les rédacteurs de programmes scolaires d’aujourd’hui pourraient méditer.