L’accès à l’eau dans les métropoles d’Amérique du Sud
Une proposition d’introduction générale à la question
L’accès à l’eau dans le monde est, comme le rappelle David Blanchon dans son Atlas mondial de l’eau1Blanchon, David, Aurélie Boissière. Atlas mondial de l’eau : défendre et partager notre bien commun, Autrement, 2017 (3e édition), l’un des défis du XXIe siècle ; les spécificités des dynamiques spatiales et politiques liées à la question de l’eau ne sont pas pour autant les mêmes dans le monde ; les différences entre les continents et les pays sont nombreuses. En effet, dans un article d’Août 2020 du Monde Diplomatique intitulé « La Paz assoiffée par le réchauffement climatique : La Bolivie affronte l’agonie de ses glaciers », on pouvait lire :
« Entre novembre 2016 et mars 2017, la Bolivie a connu sa pire sécheresse depuis un quart de siècle : le phénomène dit El Niño provoqua une baisse des précipitations de 40 %, et une élévation moyenne de la température de deux à trois degrés. […] pour la première fois, la pénurie d’eau a affecté non seulement [des villes comme] Cochabamba, Oruro, Potosí et Sucre, mais également l’agglomération de La Paz – El Alto, dont la population, difficile à recenser, dépasse les deux millions d’habitants. ».2Gouverneur Cédric. « La Bolivie affronte l’agonie de ses glaciers. La Paz assoiffée par le réchauffement climatique ». Le Monde Diplomatique, août 2020, p.12-13.
On peut dès lors chercher à identifier, comme le suggère cet exemple bolivien, les spécificités et les dynamiques spatiales qui régissent en Amérique du Sud l’accès à l’eau des populations dans ces contextes métropolitains.
L’Amérique du Sud est un continent ou un sous-continent qui constitue la partie méridionale de l’Amérique depuis la formation de l’isthme de Panama il y a environ 3 millions d’années. Ce dernier est d’une superficie de 17 840 000km2, soit 11,9 % de la surface des terres émergées. En 2015, sa population était d’environ 416 millions d’habitants : faisant de l’Amérique du Sud le 5e continent en nombre d’habitants répartis sur 13 pays pour un taux d’urbanisation de 70 %.
La notion de population, toutefois, n’est pas réductible à son approche démographique/quantitative ; bien au contraire elle appelle l’étude du peuplement et des dynamiques territoriales à l’œuvre en Amérique du Sud : c’est-à-dire la distribution des hommes sur un territoire – en l’occurrence ici dans les métropoles – et les modifications de cette trame du peuplement (migrations, concentrations, déprises, etc.).
En outre, il ne faut pas directement définir les métropoles comme une notion qui dériverait directement de celle de population. Une grande agglomération, par exemple, ne possède pas forcément des fonctions métropolitaines. Une métropole est avant tout un ensemble urbain, certes généralement de grande importance, mais qui surtout exerce des fonctions de commandement, d’organisation et d’impulsion sur une région. Ainsi en Amérique du Sud on trouve de nombreuses métropoles de tailles et de fonctions variées : on a par exemple la métropole-mondiale qu’est Sao Paulo, ou encore Buenos Aires véritable exemple de macrocéphalie, ou des métropoles régionales comme Récife. Ce qui est notable c’est que toutes ces villes se caractérisent par des organisations urbaines marquées par de fortes ségrégations socio-spatiales.
C’est donc au sein de ces territoires métropolitains pluriels que l’on s’intéresse à la question de l’accès à l’eau. L’eau potable est une eau qui ne contient pas d’agents pathogènes ou d’agents chimiques à des concentrations pouvant nuire à la santé. Celle-ci, tant à des échelles régionales que locales, implique largement des démarches de développement durable à travers ses multiples dimensions : la gestion de la ressource (réserves, bassins versants), le maintien de sa qualité, son partage équitable, le traitement des rejets (question des assainissements), etc. Cet accès peut être mesuré. La Banque mondiale ainsi évalue chaque année la proportion de la population qui a un accès raisonnable à une quantité adéquate d’eau potable (20 litres par jour et par personne)
Dès lors, la question des approvisionnements en eau dans les métropoles d’Amérique du Sud s’inscrit dans cette optique d’une gestion durable impliquant différents acteurs. Il faut donc analyser quel tableau apparaît lorsque l’on observe les réseaux de distributions métropolitains de l’eau. En effet, dans le contexte des perturbations qu’entraine le changement climatique, la question de l’accès à l’eau s’inscrit dans une réflexion sur la situation sanitaire inégalitaire de ces populations vivant dans ces métropoles sud-américaines majoritairement caractérisés par une forte ségrégation socio-spatiale et une croissance urbaine intense.
Autrement dit, dans quelle mesure les problématiques plurielles liées à accès à l’eau dans les métropoles d’Amérique du Sud reflète-t-elle les dynamiques socio-spatiales inégalitaires du peuplement de ces pôles urbains ?
La diversité des réseaux de distribution de l’eau dans les métropoles d’Amérique du Sud – du fait d’urbanités différenciés liées à des héritages pluriels – favorise le rapport inégalitaire des populations dans l’accès à l’eau
Tout d’abord, la question de l’accès à l’eau en Amérique du Sud se caractérise par plusieurs paradoxes. En effet, si l’on s’en tient au tableau général de la dotation en eau douce des différents pays du continent, en utilisant par exemple l’indice de l’hydrologue suédoise Malin Falkenmark, on voit que tous les pays se caractérisent par une ressource en eau douce importante : plus de 10 000 m³/habitant/an. L’Amérique du Sud est en effet un continent caractérisé par une forte présence de l’eau douce sous plusieurs formes : grand bassin versant (Orénoque, La Plata) symbolisé par l’immense bassin versant de l’Amazone ; précipitations au minimum supérieur à 500 mm par an sur les 2/3 du continent ; importante ressources souterraines ; nombreux glaciers, etc.
Le Brésil, par exemple, possède environ 12 % des réserves mondiales en eau douce (130 000km3 dans 2 aquifères géant : Guarani et Alter do Chao). Cependant la situation de l’accès à l’eau dans le pays n’est pas à l’image de ses formidables réserves. Le Brésil possède en effet de graves lacunes d’infrastructures, avec une estimation de 46 % de pertes du fait de canalisations défectueuses. Ainsi dans un pays exceptionnellement doté en eau, près de 45 % de la population n’a pas un accès direct et de qualité à l’eau potable.
Dans les métropoles brésiliennes , si l’on s’en tient aux chiffres généraux, la distribution de l’eau apparaît toutefois relativement efficace. Les donnés de 2007 montrent qu’en moyenne, 91 % des foyers urbains sont desservis par les réseaux d’eau potable. Il existe, néanmoins, de grandes différences entre les villes du Sud et du Sud-Est, régions les plus développées, et celles du Nord du pays. Les villes du Sud et du Sud-Est présentent des taux de desserte en eau supérieurs à 95 %, tandis que dans les villes du Nord, ce taux est de 65 % (IPEA, 2008). Ainsi, par exemple, les habitants de la région métropolitaine de Recife sont obligés de s’adapter à un système de rotation dans la distribution de l’eau où chaque ménage est desservi durant 20 heures puis reste 28 heures sans eau. Il y a aussi une forte inégalité socio-économique dans l’accès aux services de la population urbaine. Pour les plus pauvres, le taux d’accès à l’eau potable est d’un peu plus de 83 %, alors que pour les plus riches, il est de 96 %, soit un écart de près de 13 points (IPEA, 2008).3Britto, Ana Lucia. « La nouvelle loi sur la gestion des services d’eau et d’assainissement au Brésil. Les nouveaux enjeux pour les acteurs publics et pour les acteurs privés », Revue Tiers Monde, vol. 203, nᵒ 3, 2010, pp. 23-39. L’accès à l’eau apparaît donc comme le reflet de la construction ségrégative des espaces urbains en Amérique du Sud. En effet, comme le rappelle Olivier Dabène et Frédéric Louault, « l’exclusion sociospatiale est l’une des caractéristiques des agglomérations » de l’Amérique du Sud.
On peut ainsi prendre en exemple la ville de Lima, capitale du Pérou afin de montrer que la question de la ségrégation sociale dans l’accès à l’eau recouvre la plupart des métropoles du sous-continent américain. La métropole de Lima se situe à l’ouest du pays, sur la côte Pacifique. La ville est bâtie sur la plaine littorale sur laquelle débouche trois vallées fluviales (Chillón, Rímac et Lurín) que l’expansion urbaine remonte progressivement. Le raccordement progressif à l’eau et au tout à l’égout des différents ilots urbains et quartiers motivé par l’expansion urbaine reflète cette ségrégation spatiale dans l’accès à l’eau. Ainsi les îlots les plus récents du district 6 de La Molina, datant des années 1980, 1990 ou même 2000, sont raccordés, alors que des groupes entiers d’îlots déjà présents en 1993, voire en 1984, situés dans les districts de Pachacamac, de Ventanilla ou de Puente Piedra ne le sont pas.4Mesclier, Évelyne, Marie Piron, et Pauline Gluski. « Territoires et inclusion dans les périphéries de Lima (Pérou) : une démarche exploratoire à partir de données sur le raccordement à l’eau et au tout-à-l’égout », L’Espace géographique, vol. 44, no. 3, 2015, pp. 273-288. Les premiers font partie d’un secteur de la ville habité par des classes sociales de bon niveau socio-économique, alors que dans les seconds vivent des populations plus modestes.
Les métropoles sud-américaines sont donc caractérisés d’une part par ces temporalités et ces spatialités inégalitaires des réseaux de distribution de l’eau. Ainsi J.-M Fournier dans son ouvrage L’eau dans les villes d’Amérique latine rappelle qu’à Caracas les systèmes d’adduction d’eau sont très hétérogènes ; il parle ainsi de « formes de production dérivant de l’espace construit » ; les systèmes suivent les demandes différenciées qui suivent la stratification sociale. Ainsi dans les quartiers défavorisés les services de l’eau sont généralement pensées a posteriori. Les logiques des réseaux d’eau accompagnent urbanisation plutôt qu’ils l’orientent.
Cet accès est aujourd’hui soumis à des contraintes et à des enjeux nouveaux – entre changement climatique et évolutions socio-spatiales – qui modifient et participent à la construction inégalitaire de l’accès à l’eau
Nous allons voir dans un deuxième temps que ces inégalités socio-spatiales sont soumises à des contraintes et à des enjeux nouveaux qui renforcent et modifient le rapport des populations et de l’accès à l’eau. L’eau est une « ressource menacée », et c’est en particulier, comme le rappelle David Blanchon, la dégradation incontrôlée de sa qualité sous l’influence néfaste d’activités humaines polluantes qui est problématique ; on pense en ce sens au fait que la pression sur la ressource est de plus en plus importante (en particulier du fait des besoins de l’agriculture et de l’industrie) dans cette région.
Le réchauffement climatique participe à cette dégradation en réduisant et en modifiant la disponibilité en eau dans les métropoles. Il faut en effet rappeler que les métropoles sud-américaines dépendent pour beaucoup de l’apport en eau douce depuis des régions non-métropolitaines. Ainsi dans le cadre de la question de l’accès des populations à l’eau, la métropole n’apparaît pas nécessairement comme le centre, mais plutôt comme la périphérie d’un réseau dont le centre se trouve dans un espace rural, voire vide ; et dont la métropole est dépendante.
On peut en ce sens prendre l’exemple de la métropole de La Paz – El Alto que nous évoquions en introduction. Celle-ci est située à l’ouest de la Bolivie dans la vallée de Chuquiago Marka à plus de 3 600 m au cœur de l’altiplano de la chaîne des Andes. Elle est composée de deux municipalités, l’une étant la capitale politique et la 2e ville la plus peuplée du pays, pour une agglomération comptant au moins 2 millions d’habitants. La production et la distribution de l’eau potable dans cette métropole dépend principalement des ressources qui se trouvent dans les différents massifs de la cordillère Royale situés à l’est de la ville tel que celui d’Hampatura. En effet les glaciers représentent 61 % de l’approvisionnement en eau de l’agglomération en temps normal, et 85 % les années de stress hydrique. La surface glaciaire de la cordillère a perdu 37 % de sa surface glaciaire ces dernières années.
L’article du Monde Diplomatique présente les conséquences de ces perturbations dans la métropole en 2016 :
La saison sèche, qui court d’ordinaire d’avril à septembre, s’éternisa cette année-là. Les coupures d’eau se multiplièrent, comme le rappelle les paroles de cette commerçante. « On est restés à sec pendant des jours. On ne pouvait plus se laver ni cuisiner. ».
Dans la ville de Cochabamba, par exemple, les gens sont davantage habitués aux sécheresses : ils sont mieux préparés, et possèdent des citernes. Les paysans eux aussi ont vécu des sécheresses, souvent plus difficile encore, en 1983, en 87, en 2006. Mais les Paceños [les habitants de La Paz] se sont alors retrouvés désemparés. » L’eau fut rationnée dans 94 barrios (quartiers), soit un tiers de la métropole, en particulier ses quartiers sud, plus aisés. Les coupures constituent alors un véritable choc pour les classes moyennes et supérieures, pour qui obtenir de l’eau en tournant le robinet allait de soi. Les habitants erraient dans les rues avec des récipients vides. Ceux qui en avaient les moyens devaient acheter de l’eau en bouteille. On assista à des démonstrations de solidarité entre riverains, mais aussi à des rixes.
Ainsi on le voit les problématiques nouvelles posées ici par les conséquences du réchauffement climatique et semble, en partie, reconfigurer la traditionnelle partition socio-spatiale entre les populations métropolitaines vis-à-vis de la question de l’accès à l’eau. Ces enjeux nouveaux relient ainsi autour de la question de l’accès à l’eau des acteurs spatialement différenciés au sein des métropoles, voire en dehors des métropoles. C’est pourquoi on observe en ce sens des évolutions et des dynamiques nouvelles dans la gestion de l’eau sous l’influence et la mobilisation d’acteurs variées.
Ces inégalités vis-à-vis de l’accès à l’eau tendent à motiver une évolution dans la gestion durable de la ressource sous l’influence d’acteurs spatialement différenciés.
Dans ce troisième temps et dernier temps nous allons voir comment la gestion et la réduction des inégalités dans l’accès à l’eau des populations prend forme dans les métropoles sud-américaines. Les approvisionnements en eau de ces métropoles, que l’on a vu être souvent inégalitaires et d’autant plus instables qu’ils sont soumis à des contraintes nouvelles, sont un enjeu crucial du développement urbain moderne des métropoles sud-américaines.
On l’a vu également la question de l’approvisionnement et la distribution égalitaire de l’eau dans les métropoles se pose à plusieurs échelles et impliquent des acteurs différenciés. Ana Lucia Britto le rappelle dans son article. La diversité des acteurs brésiliens en matière de distribution de l’eau : L’État, les compagnies des différents États fédérés, les acteurs privés ; pose des problèmes quand il s’agit d’agir concrètement sur les problèmes et les inégalités qui composent les réseaux métropolitains de l’eau.
Ainsi en 2010 la nouvelle loi sur la gestion des services de l’eau et d’assainissement est confrontée à cette réalité d’une pluralité d’acteurs dont les conflits d’usage et d’intérêts sont un frein au développement et à la réduction des inégalités en la matière. Pourtant, cette loi est intéressante en ce qu’elle traduit une compréhension nouvelle, héritée des erreurs passées en matière d’urbanisme, du développement et de la gestion des services métropolitains. En effet elle essaye de penser de façon heuristique cette question de l’accès à l’eau.
La loi élargit ainsi la notion d’assainissement de base qui, au Brésil, concernait la desserte en eau potable et l’assainissement. Dorénavant, l’assainissement de base comprend ces deux services auxquels s’ajoutent l’assainissement pluvial ainsi que la collecte et le traitement des déchets ménagers. Le principe est que ces quatre secteurs présentent plusieurs interfaces et doivent, de ce fait, être planifiés ensemble. La gestion de l’accès à l’eau ne pouvant être donc pensée sans prendre en compte le métabolisme urbain dans son ensemble.
Ces processus de gestion de l’eau plus durable et plus égalitaire dans les métropoles sud-américaines ne recouvrent pas la totalité des adaptations des populations vis-à-vis des problématiques d’accès à l’eau. En effet ces processus de développement général et les données statistiques qui leur sont liés ne rendent pas compte des adaptations actuelles des populations dans le cadre des nouveaux enjeux que nous avons évoqués.
Par exemple le caractère intermittent de la desserte relativise la portée réelle du raccordement. Être raccordé ne signifie pas bénéficier d’un service continu et les régimes de discontinuité sont eux-mêmes très variables d’un endroit à l’autre d’un territoire urbain. De plus, il existe de nombreux raccordements clandestins échappant aux statistiques. L’accès à l’eau passe donc surtout pour les habitants par le recours à une mixité de ressources : raccordement ou non au réseau public, puits, stockage in situ, bonbonnes d’eau de boisson. La combinaison du « mix hydrique » et les solutions adoptées dépendent à la fois des conditions financières des habitants, mais également des opportunités liées à leur localisation géographique.5Affronter le manque d’eau dans une métropole. Le cas de Recife – Brésil, Paul Cary, Armelle Giglio, Ana Maria Melo (dir.), Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, Collection « Le regard sociologique », 2018
Ainsi au-delà de la variété des formes, une logique semble s’imposer : la maîtrise de l’accès à l’eau relève d’une stratégie d’abord individuelle consistant à « prendre l’eau là où elle se trouve » et à en stocker le plus possible de sorte à éviter la pénurie. Cette attitude est d’autant plus généralisée que la fragilité de la ressource n’est pas nécessairement perçue par la population. Par exemple dans le cas de La Paz que nous évoquions la fonte des glaciers dans les périodes sans sécheresse impliquait une plus grande disponibilité de l’eau pour les populations.
Le véritable enjeu d’un développement durable et égalitaire de l’accès à l’eau apparaît donc être au cœur des pratiques et des représentations des populations métropolitaines et urbaines. L’espace vécu par l’urbain devant s’élargir, afin de comprendre l’intrication des problématiques non-métropolitaines et métropolitaines. L’article de Solène Rey-Coquais6Solène Rey-Coquais, « Quelle échelle pour penser l’injustice environnementale ? », EchoGéo [En ligne], 42 | 2017 (URL : http://journals.openedition.org/echogeo/15138 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.15138) met en avant cet enjeu ; les différentes populations de la ville de Santiago et de ses périphéries rurales ce sont ainsi uni, malgré les inégalités et le conflits de fait qui existaient entre-elles, afin de s’opposer politiquement à un projet privé de barrage.
L’opposition au barrage de l’Alto Maipo a ainsi portée des discours à la fois environnementaux et sociaux, dans la mesure où ces deux dimensions se retrouvent nécessairement liées au travers de la notion de ressource. La critique porta essentiellement sur la non durabilité du projet dans le temps et dans l’espace, créant ainsi potentiellement des situations d’injustice environnementale, dans lesquelles l’accès à la ressource en eau en quantité et qualité nécessaire n’est plus garanti à tous.
En conclusion, il apparaît clairement que les problématiques et les enjeux qui entourent la question de l’accès à l’eau reflètent avec précision les constructions historiquement inégalitaires des espaces métropolitains d’Amérique du Sud. Néanmoins la dépendance de ces problématiques à des enjeux extra-métropolitains et politiques favorisent des dynamiques nouvelles dans la gestion de la distribution de l’eau et des risques politiques et sanitaires qui lui sont liés. Inégalités héritées, donc, en mouvement dans le cadre d’enjeux nouveaux et prisent en compte par des acteurs variés à des échelles différentes ; en lien avec la mobilisation de populations diverses autour de la question de l’accès à l’eau. Mobilisations nouvelles mais qui sont héritières des nombreux mouvements politiques et sociaux dans cette région où la question de l’accès à l’eau a toujours été politique, l’exemple de la guerre de l’eau en Bolivie au début des années 2000 en est un exemple parlant . Il faut associer l’analyse des dynamiques contemporaines à cette historicité régionale du lien entre luttes politiques et sociales et accès à l’eau.